Le revoilà enfin, notre assassin chauve à la précision chirurgicale et aux pas de velours ! Six ans après le fameux Blood Money, qui est resté dans les mémoires de tous les fans d'infiltration comme un petit bijou, voilà donc Hitman Absolution et sa controversée jauge d'instinct... Malgré toutes les inquiétudes que suscitait cette dernière, la version preview du jeu nous avait finalement chauffés comme des marrons ! Mais cette fois, l'heure du verdict final a sonné. Tadaaaa.
Un contrat personnel
L'Agent 47 est donc de retour pour une nouvelle mission, et pas des moindres puisqu'il s'agit d'éliminer Diana Burnwood, son habituel agent de liaison, qui est accusée de trahison envers l'Agence. Elle y a foutu un boxon de tous les diables avant de s'enfuir avec la dénommée Victoria, une jeune fille qui semble être extrêmement importante aux yeux du nouveau patron de 47, le très manchot Benjamin Travis. Le jeu débute donc au moment où notre chauve préféré s'approche de la villa lourdement gardée de Diana. Objectif : liquider la traîtresse et ramener la précieuse fillette au bercail... Un plan qui devrait normalement se dérouler sans accroc, sauf que pour l'infaillible 47, tueur parfait et redoutable machine à liquider, Diana est la seule personne au monde avec qui il a pu entretenir un jour des rapports humains normaux... De quoi compromettre pour la toute première fois l'une de ses missions ? 47 a-t-il seulement un coeur ? Des capacités d'empathie ? De révolte ? C'est ce qu'on nous propose de découvrir au fil de 20 missions beaucoup plus scénarisées que d'habitude, à grand renfort de longues cinématiques et avec - vous l'aurez deviné - un focus tout particulier sur le héros. Ne vous attendez donc pas à enchaîner comme avant des missions et des cibles sans véritables liens, mais plutôt à suivre une histoire en continu, qui fera voyager 47 de Chicago jusqu'au Dakota Sud et le mettra dans tous ses états. Parce que cette fois, c'est personnel !
Une belle gueule de tueur
La première satisfaction concernant Hitman Absolution est d'ordre visuel. Le nouveau moteur (le Glacier 2) fait des merveilles en affichant des environnement très vastes et complexes, proposant un système d'éclairage au top et des effets graphiques somptueux. Comme le veut la tradition, 47 doit pouvoir dans certaines situations se mêler à la foule, et donc le moteur gérer une multitude de personnages à la fois. C'est ce qu'il fait avec 1200 personnages maximum dans un niveau, dont 500 affichés en même temps à l'écran. C'est le chiffre donné par les développeurs (non, on n'a pas compté), mais en tout cas l'effet est franchement saisissant lorsqu'on découvre les ruelles bondées de Chinatown, le dancefloor débordant d'un club de striptease, ou encore le quai d'une station de métro pleine à craquer. Certes, on voit pas mal de doublons de personnages, mais on n'a pas non plus envie de pinailler là-dessus pendant des heures : c'est impressionnant et c'est tout. D'autant que toute cette foule réagit de manière plutôt crédible à la méfiance ou la panique générale découlant de vos actions.
Mais au delà de la technique, Hitman Absolution a tout simplement de la gueule. Esthétiquement aussi, les développeurs ont fait du beau boulot. C'est à la fois réaliste et très stylisé. L'image a un grain tout particulier, les couleurs sont saturées à souhait, les sources lumineuses diffuses... et à côté de ça la variété est de mise : il y a énormément d'environnements différents, et chaque recoin de map a été bichonné pour avoir sa propre ambiance, sans réutilisations intempestives des éléments posés ici et là. La classe.
Tiens c'est le moment de faire une petite note aux joueurs PC : vous avez été gâtés par IO Interactive, qui a beaucoup bossé sur votre version du jeu en optimisant tout ce qui pouvait l'être, à savoir une résolution plus élevée des textures, un meilleur rendu des éclairages, des effets graphiques inédits notamment dans les reflets, une utilisation de la tesselation avec Direct X10, une interface revue, une jouabilité optimisée clavier-souris, Steamworks... Résultats visibles au premier coup d'oeil quand on compare les versions PC et consoles. C'est beau.
L'instinct ou la mort
Mais maintenant que ces bonnes bases sont posées, parlons un peu de ce qui nous intéresse le plus : le gameplay. Hitman Absolution vient bien sûr avec quelques nouveautés de ce côté aussi, à commencer par la fameuse jauge d'instinct. Cette dernière se remplit à chaque fois que vous effectuez des actions furtives (tuer silencieusement, cacher un corps, etc.) et permet ensuite d'activer différentes aides. On peut ainsi, de manière plus ou moins limitée, voir la position des ennemis à travers les murs, ou encore afficher des indices dans l'environnement (pour par exemple mettre en évidence la façon dont pourrait être utilisé tel ou tel élément du décor pour liquider sa cible). On peut également lancer un "Tir Réflexe", pendant lequel le temps ralentit pour permettre de cibler plusieurs ennemis à la fois et tous les liquider d'un coup, avec style et efficacité. Mais l'action que vous utiliserez le plus souvent grâce à cette touche d'instinct reste le petit coup de main gêné sur le crâne, pour masquer "discrètement" son visage. C'est utile lorsqu'on est déguisé (par exemple en flic), qu'on croise un ennemi (un autre flic) et qu'il ne faut pas éveiller sa curiosité, éviter d'être démasqué parce qu'il ne reconnaîtrait pas en vous l'un de ses collègues.
Certains voient cette idée d'instinct comme une insulte à la série. Voir à travers les murs... quelle idée ! Heureusement pour les fans du chauve, pour qui infiltration pure rime avant tout avec extrême précaution, IO Interactive a mis en place un système de difficulté aux nombreux niveaux (5 en tout) qui désactivent progressivement toutes les aides et ajoutent un peu de piquant en mettant plus de gardes, en les rendant plus intelligents, en diminuant le nombre de checkpoints... La jauge d'instinct peut ainsi être d'abord illimitée, puis se régénérer toute seule, puis vous demander d'effectuer des actions discrètes pour se remplir, et enfin être totalement désactivée dans le mode le plus difficile. En outre, les facilités qu'elle apporte sont elles mêmes désactivées progressivement : la fameuse possibilité de voir à travers les murs peut ainsi disparaître, et l'instinct ne permettre finalement plus qu'à tromper la vigilance des gardes lorsqu'on les croise, avec la fameuse main posée sur le front et la tête baissée. C'est tout. On recommandera ainsi aux habitués de la série de faire directement le jeu en "difficile" pour prendre leur pied, pour éventuellement faire leur deuxième run en "expert" voire en "puriste" (aucune aide et aucun élément à l'écran si ce n'est le réticule !).
Les joies hitmaniennes...
Pour le reste, vous pouvez ajouter un nouveau système de couverture (pour se planquer derrière les murs et les longer), un combat au corps-à-corps amélioré (avec même quelques QTE, eh oui), des armes à feu et des armes de fortune (objets du décor) à foison, des gunfights très action dignes des TPS classiques (en cas de coup dur) ou encore la possibilité de lancer couteaux, haches et autres tourne-vis à distance en pleine tête. Tout cela rend le maniement de 47 bien moins rigide qu'à l'époque, lui permettant de régler quelques situations difficiles dans un éclat soudain de violence, mais la formule "classique" de la série reste bien sûr largement dominante, rassurez-vous. Vous passerez en effet le plus clair de votre temps à vous glisser dans le dos de vos adversaires isolés pour les étrangler à la corde à piano, à utiliser des déguisements pour vous déplacer tranquillement dans les niveaux, à traîner des corps pour les balancer dans des bennes à ordures et effacer toute trace de votre passage, à lancer une bouteille dans un coin pour attirer l'attention d'un côté et passer de l'autre, à vous planquer dans des armoires... Tout ce qui rend la formule Hitman si unique et si plaisante est bel et bien là, et c'est si bon ! S'y ajoutent même de nouvelles possibilités chez les gardes, qui pourront repérer par exemple les traces de sang laissées sur un mur suite à l'un de vos assassinats, et qui auront toujours un mot spécial à dire dans toutes les situations, que ce soit pour demander à 47 de dégager d'une zone où il n'a pas le droit d'être, ou même pour le vanner lorsqu'il fait quelque chose de suspect !
A propos de papote, les situations cocasses, les traits d'humour et les dialogues (il y en a vraiment des TONNES) sont toujours aussi géniaux, à tel point qu'il n'est pas rare de se poser à un endroit un long moment pour assister à toute une scène (genre un procès débile dans un tribunal), ou encore de laisser un garde finir de parler avant de l'exécuter. On fait ça parce que c'est drôle, mais aussi parce que ça donne toujours des indications intéressantes sur la façon dont on pourrait procéder pour approcher et tuer sa vraie cible... Et c'est bien là le point essentiel, la chose qui procure le plus de plaisir dans un Hitman : garder l'objectif en vue mais observer à fond ce qu'il se passe autour de nous, histoire de trouver une idée et de l'exploiter. Certains niveaux proposent des dizaines de façons de procéder pour liquider une cible ! Elle sont parfois expéditives et terriblement efficaces, d'autres fois très alambiquées mais tellement drôles qu'elle procurent un indicible sentiment de satisfaction !
Des hauts et des bas
Malgré tout, il faut avouer que je suis un peu passé par tous les états avec Hitman Absolution. J'ai pris du plaisir, beaucoup de plaisir même, mais j'ai aussi pesté sur pas mal de choses et j'ai même été parfois déçu. D'une manière générale tout d'abord, il faut avouer que l'expérience Absolution, six ans après Blood Money quand même, ne fait pas très "2012". Sur le papier c'est certes plus joli, moins rigide et avec quelques nouveautés, mais dans le fond les mécaniques de jeu et la structure des niveaux n'a pas beaucoup changé et ne surprendra jamais vraiment le fan de la série. Il faut d'abord accepter ça avant de commencer, et la pilule passera d'autant mieux que, comme dit plus haut, certains niveaux sont des purs moments de bonheur ludique et de satisfaction légèrement sadique.
Malheureusement, c'est là qu'on touche un point plus décevant : certaines missions sont non seulement moins inspirées que d'autres, mais aussi parfois très linéaires ou carrément très chiantes ! En gros, pour un ou deux moments de pure extase comme le niveau de Chinatown, celui de la boîte de nuit ou encore le tribunal, il faudra se taper une sorte de niveau de "transition" bien moins reluisant. Je pense par exemple au niveau de l'orphelinat (que vous avez peut-être vu en vidéo), loin d'être intéressant en terme ludique et même hyper relou par sa difficulté extrême... C'est l'un des points noirs du jeu : la difficulté est parfois très, très mal dosée. On prend son pied en mode difficile, on fait attention à tout, on s'infiltre à pas de velours, on ne laisse pas de traces... bref, on kiffe comme un dingue, et puis paf, on tombe sur un niveau comme ça, tellement compliqué, tellement chargé d'ennemis et avec un objectif tellement con (récupérer trois fusibles pour réparer l'ascenseur), qu'on en vient à croire que le jeu veut nous forcer à user de son nouvel aspect "TPS", c'est à dire à bourriner les ennemis à base d'arme lourde depuis un point stratégique, pour nettoyer le niveau et enfin arrêter de recommencer sans cesse au même checkpoint ! Rageant ! On finit toujours par se réconcilier avec le jeu, rapidement, tellement les autres niveaux sont des purs chef d'oeuvres, mais quand même, c'est assez marquant, d'autant qu'on fait face au passage à d'autres défauts, qu'il s'agisse de réactions bizarres (ou trop surpuissantes) de l'IA, de checkpoints pas assez nombreux, trop éloignés ou trop bien planqués.
Côté scénario enfin, parce qu'il y en a un vrai cette fois comme je vous le disais plus haut, on passe aussi par différents états... mais pas vraiment de manière alternative cette fois. L'histoire commence en effet par être très prometteuse au départ, nous faisant vivre une succession de scènes très classieuses qui plus est, avant de décevoir un peu dans la deuxième partie du jeu, un brin trop barrée et moins intéressante, avec en sus un finish trop vite expédié. On est loin de la dernière séquence culte de Blood Money.
Challenges et contrats infinis
Tous ces niveaux, les meilleurs comme les moins bons, vous aurez tout de même envie de les faire et les refaire à gogo. Inévitablement. D'abord juste par plaisir, parce qu'il y a souvent des tonnes de façons différentes de les boucler, mais aussi parce qu'un nouveau système de scoring fait son apparition. Tous vos faits et gestes attribueront bonus et malus à votre score (ne pas être repéré une seule fois, ne pas laisser de traces, etc.), mais aussi votre temps de jeu et les façons dont vous aurez procédé pour parvenir à vos fins. Tout compte, et vous pourrez même tenter de découvrir tous les objets et costumes d'un niveau pour avoir quelques bonus, ainsi que réussir des "challenges" spéciaux dont vous pouvez consulter la liste à tout moment. Bien sûr, votre score final ira se loger quelque part dans un classement, comparé à celui de vos amis pour vous motiver.
A ce nouveau principe de scoring, fort sympathique, s'ajoute un véritable mode de jeu à part : le mode "Contrats". Vous en avez forcément déjà entendu parler, mais en gros il s'agit de jouer, créer et partager des missions avec la communauté. Ca se passe directement dans n'importe lequel des niveaux du jeu, mais avec des cibles et des contraintes différentes de celles du scénario principal. Pour créer un contrat, on choisit donc un niveau, puis à l'intérieur on désigne une à trois cibles parmi tous les personnages qui s'y trouvent. N'importe qui. Suite à quoi on liquide les cibles désignées en usant d'une arme particulière et dans un déguisement particulier, et enfin on partage le contrat. Pour réussir votre contrat, vos amis devront ainsi remplir vos conditions (telle cible, telle costume, telle arme) et tenter de faire plus vite et mieux que vous (il y a des conditions supplémentaires comme le fait de ne pas se faire voir, ne pas laisser de traces, etc.). Un principe tout bête, mais qui permet de créer une infinité de missions à partager en ligne avec le monde entier. C'est cool à jouer et ça rallonge vraiment la durée de vie, déjà bien longue, du jeu. Y'a bon.
Absolution !
En définitive, le constat est globalement positif. J'ai pesté sur à peu près un tiers des missions, en prenant tout de même du plaisir certes, mais rien en comparaison des meilleurs niveaux, qui font honneur à la tradition de la saga. Le gameplay typique de la série, qui nous pose dans des niveaux ouverts aux multiples possibilités de résolution, est toujours là, et il représente une source de fun légèrement sadique qui est juste unique et géniale. On se marre en écoutant des dialogues et en trouvant des solutions originales, on kiffe l'aspect purement infiltration, les déguisements, et finalement on pardonne volontiers au jeu ses quelques errances car les meilleures séquences valent vraiment la peine d'être vécues. Les fans hardcore de l'Agent 47 seront forcément déstabilisés comme je l'ai été par ce manque d'homogénéité, mais ils auraient bien tort de se priver de l'un des meilleurs jeux de cette fin d'année, comme d'habitude embouteillée de hits. Espérons en tout cas que le chauve ait assez de fidèles pour lui permettre de revenir nous combler aussi vite que possible !