Fable, la fameuse licence de Lionhead, est considérée par beaucoup comme une référence sur les consoles Microsoft. Un univers féérique, mais toujours cohérent, niché dans une Albion débordante de vie, des héros charismatiques, des interactions matures et un aspect action-RPG maîtrisé et addictif, voici les composantes de cette série incontournable. Mais alors pourquoi réaliser un épisode jouable exclusivement avec Kinect, la caméra de la Xbox 360 ? Doit-on réellement le considérer comme une trahison (pour les fans) ou, plus simplement, comme une tentative désespérée de proposer une alternative aux jeux casuals, indisociables du motion controller ? Réponse en quelques lignes.
Lorsque j'ai pratiqué Kinect pour la première fois, j'ai été sédui par le concept. Pour autant j'attends encore aujourd'hui des titres avec une réelle profondeur, vraiment précis, tout en m'amusant parfois sur Dance Central ou encore Child of Eden. Alors autant vous dire que c'est un peu blasé que j'ai lancé Fable : The Journey, puisque je suis, comme beaucoup, un grand fan de la série. Qu'est-ce qu'ils ont bien pu faire en mélangeant Kinect et Albion ? Me disais-je sottement. Quel manque d'ouverture d'esprit de ma part...
Sur la route toute la sainte journée
Contre toute attente, j'ai adoré les premières minutes passées sur Fable The Journey. Tout d'abord, on joue assis et c'est assez rare dans un jeu Kinect pour être souligné. Un confort plaisant qui va de pair avec la conduite de la cariole de Gabriel, le héros de cette aventure. L'utilisation des rênes pour contrôler Seren, votre cheval "de compagnie", se fait avec aisance et on se prend rapidement au jeu de l'accélération, et de la décélération, en fonction de l'état des routes ou de la position des cristaux sur lesquelles on peut les à récupérer. De trois couleurs différentes, ces cristaux ne peuvent être ramassés que si Seren passe dessus à une certaine vitesse, lentement, au trot ou au galop, rythmé par vos bras lorsque vous claquez les rènes sur votre monture. Pour diriger la bête, il suffit d'avancer un bras et de reculer l'autre. Ce mouvement naturel permet d'ailleurs d'éviter les pièges sur les sentiers, blocs de pierre, arbres, etc. Voilà, vous connaissez désormais l'une des activités de FTJ, le voyage. Récurrentes, ces séquences alternent entre ballades tranquilles et courses poursuites en fonction du contexte et de l'intrigue. C'est vraiment plaisant et intéressant à jouer même si plusieurs pssages tirent sur la longueur.
Motion Dungeons
L'autre activité de notre aventurier, guidé par l'oracle Theresa, consiste à explorer divers donjons et autres lieux à haut risque pour récupérer des artefacts afin d'éradiquer la corruption d'Albion. A aucun moment, il ne sera libre d'explorer le monde comme bon lui semble (tout juste éventuellement en choisissant certains itinéraires en cariole) puisque tout se déroule sur des rails, comme dans un shooter ultra guidé. Dans les profondeurs des lieux les plus dangereux, Gabriel avance de lui-même et le joueur doit agiter les bras pour profiter de sorts magiques et lutter contre des hordes récurrentes d'ennemis. Zombies, gobelins, insectes, etc. sont légion et reviennent toujours en plus grand nombre. Et c'est là que le voyage vire malheureusement un peu au cauchemar...
Guerre de positions (et de mouvements)
Franchement, lancer des sorts en agitant les bras, c'est un rêve de gosse. Le concept pourrait même aller jusqu'à faire fantasmer les gamers les plus aguerris mais dans les faits, et plus particulièrement dans FTJ, le résultat est plus que mitigé. Avec différents sortilèges, allant des éclairs à la boule de feu en passant par un lien magique permettant d'interagir avec les ennemis, ou les objets pour résoudre des énigmes, il y a de quoi faire. L'impression de gameplay émergeant serait presque présente si on ajoute à l'intensité de l'action les esquives, le bouclier pour renvoyer les projectiles et les interactions avec les environnements. C'était vraiment prometteur mais un manque de précision flagrant vient régulièrement gâcher les combats. En effet, alors que tout fonctionne sur des roulettes dans les passages en cariole, les combats se révèlent souvent confus, voire calamiteux. Pour résumer, on tire souvent à côté de ses cibles et ça agace franchement. A force de s'agiter dans tous les sens, ou en attendant patiemment que les monstres se rapprochent un à un, on parvient à faire le ménage mais j'ai rarement vu un tel désordre sur un jeu Kinect. Vous orientez votre boule de feu à droite, elle part à gauche. C'est souvent à n'y rien comprendre et puis d'un coup, sans prévenir, Kinect retrouve sa précision comme par enchantement et vous désinguez du zombie avec la précision d'un sniper. Cette inconstance dans la détection est un enfer qui vient trop souvent frustrer le joueur et c'est bien dommage car FTJ avait pourtant de quoi proposer des rixes séduisantes et dynamiques. Heureusement vos assaillants manquent de vivacité et votre insistance finit toujours par payer mais pour le challenge, du coup, on repassera...
Un monde réfléchi
Outre les ballades en cariole et les combats, Gabriel doit aussi résoudre des énigmes dans les donjons en exploitant ses sorts, là encore soumis à un manque de précision récurrent. Et même si avec l'expérience on obtient de nouveaux pouvoirs et des spécialisations, le problème reste le même, on souffre trop souvent pour atteindre ses objectifs à cause d'une détection à la défaillance chronique. Rassurez-vous, les plus persévérants arriveront toujours à leur fins mais au prix d'un certain agacement sur la longueur. Heureusement, d'ailleurs, qu'une voix divine vous conseille en permanence durant chaque séquence pour orienter vos gestes et vos actions, sans quoi cela aurait été encore plus agaçant. Afin de reposer un peu vos membres parfois mis à rude épreuve, sachez qu'il est aussi possible de vous occuper de campements dans lequel vous pouvez gâter ou soigner Seren en la nourrissant et en s'occupant d'elle au travers de mini-jeux. De vrais bols d'air frais après un donjon par exemple. Mais même si j'ai été charmé par plusieurs passages, l'imprécision récurrente dérange trop et va même jusqu'à frustrer car l'univers présenté par les développeurs de Lionhead profite réellement d'une excellente réalisation et d'une bonne mise en scène, le tout avec des voix françaises convaincantes qui renforcent l'ambiance. Bref, j'avais vraiment envie d'y croire et si je suis rentré dans le trip de ces enchaînements de mini-jeux (conduite, combats, QTE, épreuves de tir, etc.)... mais j'avoue que la lassitude est parvenue à me gagner tant ces actions deviennent répétitives au bout de quelques heures. Et cette fichue imprécision m'a rendu dingue !
Dire que Fable The Journey est un mauvais jeu serait faux. Mais il parait clair que le manque de précision de son gameplay Kinect gâche l'expérience et c'est d'autant plus frustrant que, parfois, le tout fonctionne très bien... on comprend donc d'autant moins pourquoi ça ne pourrait pas être le cas tout le temps, et le stress devient ainsi permanent puisqu'on se demande à chaque moment quand ça va commencer à mal fonctionner. C'est rageant même, car pour une fois qu'on a un jeu Kinect dans lequel on peut vraiment réaliser les mouvements dans l'ordre que l'on veut, au lieu de devoir reproduire des séquences précises dans une suite établie, il faut que la précision manque le rendez-vous. Et puis tout y est ou presque : un univers envoutant, une mise en scène décente, une réalisation impressionnante, des combats plutôt bien pensés, de petites notions de RPG, des mini-jeux sympas, etc. Bref, je ressors frustré de l'expérience même si j'admets qu'il y a de quoi s'amuser si vous tolérez les errances de Kinect.