Si Hong Kong signifie le "port aux parfums", pour les équipes canadiennes d'United Front Games, le projet pour lequel ils avaient choisi la mégapole chinoise comme terrain de jeu a pendant un temps senti le roussi. D'abord, UFG s'était entendu avec Activision pour faire de son GTA-like, un nouvel épisode de la série True Crime. Et puis, un jour, la maison de Call of Duty et Guitar Hero a laissé tomber l'affaire, estimant que cette licence n'avait plus de potentiel. Du coup, on ne sait pas si c'est la queue entre les jambes ou la rage au ventre qu'UFG a rencontré Square Enix, mais en tout cas, la firme japonaise a finalement donné sa chance a celui qu'on appellera définitivement Sleeping Dogs.
La première fois que l'on a entendu parler de ce qui deviendra Sleeping Dogs, c'était lors des VGA 2009. Rendez-vous compte, l'Espagne n'était même pas encore championne du monde de foot ! Le développement suivant son petit bonhomme de chemin, nous aurons été voir à Vancouver celui qu'on appelait encore True Crime : Hong Kong en mars 2010 puis en décembre de la même année, pour finalement apprendre en février 2011 son annulation. Bon. Si je vous fais l'historique du projet, c'est pour que vous réalisiez que le développement de Sleeping Dogs ne date pas d'hier et qu'ainsi sa réalisation s'en ressent. Un peu toussoteux dès lors qu'on pousse à fond les bolides volés dans les rues de Hong Kong, le moteur du jeu paraît un peu daté, même si certains effets de pluie donnent une patine agréable, mais que définitivement, une lumière plus crue s'avère... cruelle. Pas vraiment à la page technique, Sleeping Dogs peut-il alors prétendre à une représentation crédible de Hong Kong ? Plus simplement, avec un développement pour le moins chaotique, Sleeping Dogs peut-il prétendre au statut de bon jeu ? Je vous aurais bien fait une réponse immédiate mais le contexte m'échappe en cantonais, il faudra donc me lire en français...
L'infiltré...
Sleeping Dogs est une plongée dans l'univers des triades, celui là même qui a tellement inspiré le cinéma hongkongais. De références à ce courant du cinéma chinois, Sleeping Dogs n'en manque pas, à commencer par son pitch de départ. Vous incarnez Wei Shen, flic californien, originaire de Hong Kong et qui y vécut jusqu'à ses dix ans. De retour dans le "port parfumé", Wei Shen a pour mission d'infiltrer le puissant clan des Sun On Yee pour mieux le dissoudre. Il devra ainsi y faire sa place tout en veillant à ne pas franchir la ligne floue qui sépare le flic infiltré du vrai criminel. Tout l'enjeu scénaristique du titre tient dans ce jeu d'équilibriste, une dualité qui constitue aussi le squelette du jeu. Ainsi, tout comme dans un GTA, l'intrigue principale évoluera au fil des missions et des halos lumineux, soit verts soit bleus que l'on traversera. Le bleu, c'est la couleur des missions confiées par la police et plus précisément l'inspecteur Teng, une jeune policière appliquée, le vert, celle des Triades, missions confiées par les différents pontes du milieu pour asseoir leur suprématie ou prendre une quelconque revanche. Sur le plan du jeu comme du récit, ce double-jeu fonctionne vraiment bien. Cette couverture engendre évidemment beaucoup de tension et alimente l'intrigue de situations ambiguës, dans lesquelles les méchants ne sont pas forcément ceux que l'on croit. Et puis, on ne joue pas de la même façon que l'on soit flic ou voyou.
Bad cop, good cop
En effet, dans les missions confiées par la police, il faudra veiller à ne pas trop dégrader la voie publique et éviter de faire des victimes innocentes. En tant que loubard, la conduite rapide et le tabassage en règle des bandes rivales sont par contre recommandés. Du bon respect de ces conventions dépendra la vitesse de progression de votre expérience. En effet, vous disposez d'une barre "police" et d'une barre "triade" qui montent plus au moins vite selon vos péripéties. Une fois l'une d'entre elle remplie, vous avez le droit de choisir une nouvelle capacité. Celles de flic vous permettront de moins souffrir du recul d'une arme ou de désarmer avec plus d'aisance un ennemi, alors que celles dites "triade" permettront par exemple d'infliger plus de dégâts ou donneront accès à un nouveau mouvement pour le combat en mêlée. Il existe aussi les capacités d'entrainement de mêlée et de réputation. Celles-ci s'acquiert en remplissant diverses missions annexes alors que pour celles de mêlée, il faudra retrouver les douze statues des signes astrologiques chinois éparpillées dans Hong Kong pour les apporter à son maître d'art martiaux afin qu'il enseigne de nouveaux mouvements.
Made in China, made in qualité
En fait, on pourrait tout du long rentrer dans le détail de tout ce qu'il y a à faire dans Sleeping Dogs mais il y a plus simple. Sleeping Dogs est un GTA qui a en plus pour lui Hong Kong, du parkour et un système de combat à mains nues. En effet, contrairement à GTA, on ne se balade pas avec un arsenal maboule sur soi, les poings parlent bien plus souvent que ne grondent les calibres, même si vous aurez droit à votre dose de fusillade. Le titre propose ainsi des combats en mêlée avec des combinaisons de touches et des contres, un peu à la manière du Batman de Rocksteady. Il est aussi question de poursuite dans la ville où Wei Shen fera montre de toute ses capacités de yamakasi pour choper un malfrat ou au contraire échapper aux flics. Boule coco sur le canard laqué, le flic infiltré pourra aussi se caler derrière un véhicule et sauter dessus depuis sa propre voiture pour en prendre le contrôle. Les acrobaties du cinéma HK sont donc le gros petit plus de ce GTA-like , dans lequel on retrouve les balades avec les petites amies, les courses de bagnoles, le vol de tires pour un concessionnaire véreux typique des titres Rockstar. Dans Sleeping Dogs, manger, boire, renforcera votre personnage, sa santé ou la puissance de ses coups. Les mini-jeux (combats de coqs, karaoké, poker, mah-jong) diffèrent aussi, sont moins nombreux et moins amusants, mais la plus grande nuance tient finalement en deux choses : le ton des GTA est plus "loufoque" (le nom d'une équipe de baseball ou d'un cyber-café peut toujours être sujet à une petite blague vaseuse) et il faut plus de temps pour en venir à bout. L'histoire principale se boucle ici en une petite vingtaine d'heures, le temps de ramasser tous les coffres pour débloquer des fringues et tous les autels pour augmenter votre barre de vie, comptez-en cinq de plus.
Qui l'eût cru (peut-être vous si vous aviez lu mes impressions passées), Sleeping Dogs est une réussite. Pas très beau, pas très long, ce titre vous plonge dans un Hong Kong non reproduit à l'identique mais assez inspiré pour procurer sa dose de fun, entre les courses de bagnoles, les combats de rue, les poursuites sur les toits, etc. Et comme tout bon GTA en herbe, Sleeping Dogs se paye le luxe d'avoir une B.O. en or. Si la grandiloquence de la station de radio de musique classique amuse comme celle des tubes chinois, on se rappelera surtout des radios Warp et Ninja Tune. Eh oui, y a moyen de se la donner virtuellement dans Aberdeen en écoutant du Flying Lotus ou du Rustie... La classe !