Dans la préface du superbe livre Console Syndrome consacré à Final Fantasy VII, l'excellent Grégoire Hellot, le Silver Mousquetaire, explique avec quelles difficultés il fallait jongler pour se procurer un J-RPG au début des années 90, et écrit, à propos des titres Square Enix aujourd'hui : "[...] les nouveaux titres sortent chez nous entièrement traduits et avec un petit trimestre d'écart seulement". Si pour les délais c'est à peu près ça (à deux mois près), Theatrhythm Final Fantasy disponible sur 3DS, n'a par contre pas été traduit en français et demeure en anglais. Premier argument pour accabler un titre qui ne serait qu'une supercherie marketing ? Non, mais ce titre misant sur la nostalgie des joueurs n'est pas exempt de reproches.
Avec son titre difficile à prononcer et où l'on hésite sur l'endroit où placer les "h" et les "r", Theatrhythm Final Fantasy est le jeu hommage voulu par Square Enix pour fêter le quart de siècle de la saga Final Fantasy. Confié à Indies 0 (Retro Game Challenge), ce cadeau d'anniversaire prend la forme d'un jeu de rythme, saupoudré d'éléments RPG, dans lequel on retrouvera les plus célèbres mélodies de la série. The Man with the Machine Gun, Clash of Swords, Terra's Theme, One-Winged Angel, les Main Theme des premiers épisodes, bref, de quoi se filer deux trois frissons sympas.
TAÏ TAÏ TAÏ TAÏ TAÏ TAÏ !!
C'est ainsi les treize épisodes canoniques de la série que l'on revisitera à travers trois morceaux par jeu, plus les génériques de début et de fin, où il faudra juste suivre le tempo avec son stylet afin de cumuler des points de rythme, utiles pour débloquer des bonus. Les bases de gameplay sont celles que l'on peut attendre d'un jeu de rythme, empruntant à Oendan comme à Gitaroo Man. Les trois mélodies à suivre par épisode sont décomposées en phases différentes. Dans la première, baptisée FMS, où l'on retrouve la manière de jouer caractéristique de Gitaroo Man, avec de longues lignes ondulantes à suivre, il faudra ne pas se louper pour faire avancer notre petit personnage le plus rapidement possible, celui-ci étant même remplacé par un Chocobo si on réussi certains passages, à travers un décor en 3D moche et vide (avec quelques éléments du jeu dont on joue les mélodies, tout de même, comme un château en fond), afin de récupérer un cadeau de Mog ou mieux celui d'un personnage (Cain pour FFIV, Snow pour FFXIII, etc.). Ces cadeaux contiendront des objets à équiper, car en effet, un soupçon de RPG a été insufflé dans ce jeu de rythme.
CHON, CHON, CHON CHON !
J'évoquais plus haut la course de votre personnage car en effet, dans Theatrhythm Final Fantasy, on possède une équipe composée de quatre membres et ces derniers apparaissent à l'écran. Ainsi dans les Field Music Stages évoqués précédemment, si vous ratez plusieurs notes, votre petit Cloud ou votre petit Squall se cassera la tronche pour être relayé par Terra ou Zidane. C'est entre tous les protagonistes principaux des treize épisodes proposés, de l'anonyme Guerrier de la Lumière de Final Fantasy premier du nom, à la mystérieuse Lightning de FFXIII, en passant par Tidus de Final Fantasy X, que vous aurez à choisir. Peut-être même en existe-t-il quelques-uns cachés... Tous ces personnages qui gagneront de l'expérience au fil des parties, possèdent des compétences propres, aidant le joueur à réaliser plus fréquemment des "critical" par exemple, la meilleure note de synchro, mais permettant également de taper plus fort les ennemis. Car dans la deuxième phase de jeu baptisée Battle Music Stages, il faudra faire face à des monstres et des boss, le groupe de quatre étant affiché à l'écran comme dans un combat classique de FF. Et c'est bien là que l'on retrouve le côté RPG, car si le rythme s'avère trop élévé, le joueur profitera des compétences accumulées par ses personnages pour y remédier. Dans le même ordre d'idée, il est conseillé d'équiper les objets gagnés, ceux offerts par les mogs et les personnages rencontrés. Il sera également possible d'invoquer Shiva, Ifrit et compagnie en réussissant des passages précis.
Jouer sur la corde sensible
Enfin, l'Event Music Stage propose les cinématiques d'un épisode, avec les indications de jeu plaquées dessus. On reverra ainsi danser Linoa ou des bribes de la scène emblématique de FFVI, celle de l'opéra. Voilà. On pourra remater ces dernières dans le musée, où l'on pourra également réécouter toutes les musiques jouées et débloquées, et parcourir un classeur avec des cartes gagnées au fur et à mesure représentant les protagonistes, les monstres, les invocations, toutes dans le style choisi pour ce Theatrhythm Final Fantasy. Et c'est là que l'on se détachera un peu du plaisir nostalgique procuré par ce jeu pour l'appréhender avec un peu plus d'objectivité. Si le look de pseudo-Playmobil choisi pour représenter les personnages et les ennemis du jeu est certainement une manière d'uniformiser l'esthétique de l'ensemble, on se retrouve vite déçu lorsqu'il s'agit de parcourir le classeur de cartes, avec ses bonhommes aux yeux tous vides et morts. Dans le même ordre d'idée, les ballades des phases FMS sont d'une platitude effarante. Si le BMS sort son épingle du jeu avec son petit côté RPG, vous aurez également compris qu'il n'a pas non plus fallu se creuser la tête pour mettre en forme l'EMS. Et puis avec un système de jeu, repris d'ailleurs, qui n'évolue pas au fil des treize épisodes, difficile de vouloir se les faire tous d'un coup. On préférera picorer ça et là pour éviter de voir s'installer la lassitude d'un gameplay certes solide mais très convenu, très vite répétitif. S'il est difficile de dire que le fan service n'est pas de qualité alors que le jeu mise intégralement là dessus (avec environ 70 morceaux tout de même, plus ceux à récupérer en DLC), on est tout de même un peu déçu du manque d'envergure de ce jeu anniversaire. En comparaison, on pense par exemple à Smash Bros. Brawl, qui si il est un jeu de combat et pas un jeu anniversaire, est aussi (certains diront surtout), un formidable hommage à l'univers Nintendo, avec des biographies des personnages, des représentations 3D, des stickers à collectionner, des musiques à écouter évidemment... Là, le fan, à qui s'adresse tout particulièrement le jeu (la preuve, on n'a même pas fait l'effort de le traduire) reste un peu sur sa faim. Enfin si on se réjouit de trouver le mode Chaos Shrine qui corse clairement les choses, avec sa progression par palliers, le peu de diversité proposé par ce titre a bien vite fait de lasser, et ce malgré la nostalgie vibrante.
Theatrhythm Final Fantasy, sorti pour les 25 ans de Final Fantasy que l'on fête cette année, est une occasion à travers les nombreuses mélodies de la saga, de revenir avec émotion sur son propre parcours de joueur, forcément jalonné par quelques personnages aux cheveux hirsutes, aux épées magiques et aux compagnons sorciers, voleurs, mages blancs... Disposant d'un système de jeu déjà vu mais pour le coup efficace, Theatrhythm Final Fantasy comblera très certainement bon nombre d'amoureux de la saga, mais quand on y regarde de plus près, impossible de ne pas ressentir un manque d'envergure, d'imagination, une trop grande répétitivité, auxquels s'ajoute une direction artistique plutôt contestable. Mais comme l'amour est parfois aveugle, on fermera gentiment les yeux pour mieux en profiter avec nos oreilles...