Au pays des ninja, des écolières en uniforme et du tempura, parfois tout en même temps, le mélange de zombies et de yakuza dans un jeu d'action aurait dû être un non-problème. Autopsie saignante d'un fan.
Si la question ne reposait que sur des yakuza et des zombies, tout serait si simple. Car il en est une autre bien légitime, de question, et qui mérite d'être posée ici : celle de l'accessibilité d'une longue saga du jeu vidéo. Et le nouveau joueur dans tout ça ? La logique voudrait qu'un épisode "alternatif" (comprendre "qui compte pour du beurre"), soit l'occasion idéale de prendre le train en route. Après tout, chaque épisode d'une série pourrait très bien être le tout premier de quelqu'un. Les Yakuza, Ryu ga gotoku au Japon, ne transigent jamais sur cette question : ce n'est JAMAIS le bon moment. Il y a tellement de persos, tellement de background, qu'ils sont devenus de facto des "chara-game" dont il faut connaître les rouages et les codes pour les apprécier. L'histoire, en particulier celle-ci, n'a quasiment plus d'importance, seuls comptent les personnages et leurs situations, à tel point qu'il parait difficilement concevable que le profane puisse s'y intéresser, même avec l'appui d'une campagne pub conséquente. Cette historie est si peu importante que cette fois-ci, ce sera des zombies qui auront envahi Tokyo. Un jeu pour fans. Parfait, j'en suis.
A man's got to have a code
J'étais par exemple ravi de voir que Ryuji Goda, un personnage qu'on croyait mort, était de retour avec un bras cyborg se transformant en puissant canon. Et s'il était absent, c'est parce qu'il travaillait dans une échoppe qui préparait des takoyakis, ces petites boules de pâte remplies de morceaux de poulpe. Ca n'a aucun sens, aucune logique, mais c'est le genre de détails maboules qui font qu'on jubile quand on connaît la saga. Chaque apparition de personnage est l'occasion pour la mise en scène purement "Yakuza" de se mettre en branle avec un panache débridé, très "shonen", que ne renierait pas Saint Seiya. C'est une histoire de mecs, de bonhommes carrés, beaux comme dans une version Ken le Survivant de The Wire, avec chacun un code de l'honneur bien particulier. Tous, même Majima, le fou borgne, jouable pour la première fois et qui va, lui aussi, débarrasser les rues de Kamurochô de la vermine à coup de shotgun.
Walking Dead
La première fois qu'on avait entendu parler de Ryû ga Gotoku of the End, mon petit coeur de fanboy s'était emballé. L'idée de revoir une ville qu'on a tant ravagé par fictions interposées était emballant. Et puis il y avait toujours ce trailer très cinéma "dans ta face" dont le monteur mérite, à lui tout seul, une récompense. Il y avait aussi cette dernière impression géniale laissée par Yakuza 4 qui se transformait en feu d'artifices de bogosses unis, défonçant les caïds de la ville. Mais dans Dead Souls, il y a comme un petit problème d'écriture puisqu'il ne nous donne même pas les images de ce trailer. L'interaction entre les antihéros (Akiyama de Yakuza 4 fait partie du "roster") n'est jamais bien exploitée. A la place, on a des apartés généralement hilarants de mini-quêtes absolument débiles à accomplir pendant que, hé, les habitants du quartier animé de Tokyo se font croquer par des zombies bizarrement assez intelligents.
Il fallait bien intercaler un jeu entre séquences de drague dans les bars, parties de ping pong et assiettes de sushi dans un restaurant ouvert alors que tout le reste de la rue est détruite. Les mini-jeux et l'univers sont inchangés, les filles sont toujours là et ce n'est pas les immenses murs qui placent le quartier en quarantaine qui vont changer le petit train-train quotidien des habitants de Kamurocho. Dead Souls est donc devenu un shooting game un peu bancal. Exploitant le fait que le quartier est verrouillé par endroit, Kiryu et ses alliés progresseront dans l'histoire, généralement en allant d'un point à un autre, si possible avec un boss (comprendre un zombie un peu plus balèze). Et en toute honnêteté... il ne fallait pas s'attendre à des miracles.
Tout comme Binary Domain, face à tous les cadors occidentaux du genre, Dead Souls ne pèse pas bien lourd sur la balance. Il n'apporte vraiment que le frisson réjouissant de voir des personnages connus dans des situations incongrues, mais sa mécanique est vraiment trop répétitive, égayée uniquement par des mini-quêtes bidonnantes et des QTE explosifs qui remplacent les Hit moves des Yakuza habituels. Le moteur 3D est lui-même un peu grippé (le même depuis 3 jeux, ça va se voir les mecs) et du propre aveu de la Team Yakuza, le développement est allé très vite. Et ça se voit. Dead Souls pourrait être meilleur en tellement d'endroits... mais il se contente du minimum. Même la fin n'offrira pas le petit frisson que chaque fan a pris l'habitude d'obtenir en bouclant les Yakuza. Comme quoi, croire qu'on fait bien les choses ne suffit plus.
"Encore plus loin dans la série Z", c'est l'image que donne ce Yakuza. Il y a un côté indéniablement sympa pour les amateurs à revoir les mêmes décors, recyclés comme dans les films ou les clips, pour faire baisser le coût de production. Mais malgré son côté "grosse déconne" assumée et parfois jouissive, Dead Souls ne "delivers" pas comme on l'attendait. Techniquement trop timide, pas assez pêchu, maladroit jusque dans son fan-service, il a de grandes chances de décevoir même les mordus de la saga. Comme une femme qui semblait si belle et prometteuse sous les stroboscopes d'une boite de nuit de Kamurocho, se révélant criblée de défauts une fois le jour levé. La lumière peut être tellement trompeuse, on n'a pas idée.