Créé en 2017, le Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV) tente depuis trois ans de défendre les intérêts des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo, dont on sait les conditions de travail particulièrement difficiles en fin de projet. Et depuis cet été, il y a le feuilleton Ubisoft, qui continue semaine après semaine de délier les langues sur ce qui se trame parfois en coulisses.
La nouvelle (et bien triste) enquête du jour vient d'être publiée chez nos confrères de Numérama, et elle se veut une fois de plus édifiante sur l'ambiance qui règne au sein du studio Nadeo, célébré pour la série TrackMania, et devenue en 2009 la propriété du géant français, toujours dans l'oeil du cyclone suite à plusieurs enquêtes menées par le journal Libération.
Dans cet article exhaustif que nous ne pouvons que vous inviter à lire, la journaliste Aurore Gayte explique que les mêmes pratiques de harcèlements couvertes par les ressources humaines ont eu cours chez Nadéo, et ce sont ainsi une dizaine d'employés qui ont finalement pris la parole, sous couvert d'anonymat, pour dénoncer leurs conditions de travail, qui ne sont pas sans rappeler certains sketchs sur le fonctionnement de grandes entreprises.
Sauf qu'ici, tout est à prendre au premier degré :
« Il y a une espèce de culte autour du fait de tout sacrifier pour le travail », détaille Lisa, qui est désormais partie de la boîte. « Quand Florent C. apprenait que tu avais bossé le week-end, il était très content et te félicitait ». Mais rien n'est jamais assez pour le directeur du studio. « Il m'a aussi reproché de ne pas travailler assez alors que je bossais déjà 8 h à 10 h par jour sur place, et qu'une fois rentrée chez moi je bossais encore. Je passais ma vie à travailler et ce n'était jamais assez. Il m'a reproché de ne pas lui demander de travail le week-end afin de m'améliorer ».
Tout comme les responsables Serge Hascoët et Tommy François, réputés tout-puissants au sein d'Ubisoft, le fondateur du studio Florent Castelnérac aurait fait régner une ambiance délétère parmi le personnel :
« Dès que la porte de l'ascenseur s'ouvrait et qu'on le voyait sortir, c'était le coup de flip dans la seconde. Quand il entrait dans une pièce, je priais pour qu'il ne se s'adresse pas à moi », se remémore Antoine. Le directeur du studio est également connu parmi les employés pour sa capacité à changer d'avis du jour au lendemain, et demander à des employés de repartir de zéro. « En tout, il m'a fait recommencer la même tâche 6 fois en 6 mois ».
Le reste de l'enquête présente des témoignages édifiants, qui décrivent des situations de harcèlement moral, des immiscions publiques dans la vie privée des employés de Nadéo.
En 2014, Catelnérac s'oppose violemment à Ubisoft lors du développement de TrackMania Turbo, et délaisse durant plusieurs mois son poste. Les employés se retrouvent alors contraints de s'adresser à la DRH d'Ubisoft (remerciée au mois de juillet après de nombreuses mises en cause), avec les résultats que l'on sait :
« On savait que si on lui parlait, elle allait tout raconter à Florent, et qu'après on aurait droit à un tête-à-tête avec lui. Mais je pense qu'elle avait peur de lui, elle aussi ». Jean estime également qu'elle est « inféodée à Florent C., et qu'il la terrifie. Tout ce que vous dites sera répété. Jamais elle ne prendra parti contre lui ». Impossible pour les employés d'aller chercher du réconfort auprès d'elle. « Quand j'en ai parlé à la RH, elle m'a dit de m'endurcir et de m'y habituer ».
Voilà qui nous amène une nouvelle fois à nous demander si Ubisoft "trouvera le temps" de s'exprimer ce soir sur les nombreuses polémiques qui touchent depuis plusieurs mois l'entreprise, puisque l'Ubisoft Forward du mois de juillet avait abasourdi par son... silence.