Edité par Riot Games, créateur du jeu esport numéro 1 au monde, le jeu de cartes Legends of Runeterra se montre ambitieux. La sortie du jeu le 30 avril sur PC et mobile a-t-elle été à la hauteur des attentes ?
La sortie officielle de Legends of Runeterra s'est accompagnée de nouveautés de taille, entre une nouvelle région, mais aussi de nouveaux champions pour toutes les régions existantes en dépassant le chiffre de 120 nouvelles cartes, soit plus d'un tiers des cartes sorties au moment de la beta. Riot Games a vu grand pour la sortie de son premier jeu de cartes dans l'univers de League of Legends... la quantité de nouveautés est donc plus que satisfaisante, mais qu'en est-il de leur qualité ? Deux joueurs de haut niveau nous ont donné leur impressions.
Plus d'aléatoire et de diversité
Deux streamers et joueurs à haut niveau, Alessio "Ultraman" et TayTwo, nous ont donné leur avis une semaine après que l'extension a bouleversé la stratégie générale. Arrivés sur Legends of Runeterra depuis la bêta, ils ont roulé leur bosse sur des jeux comme Hearthstone, Gwent pour Alessio ou encore le défunt Hand of the Gods de Hi Rez pour TayTwo. Ce dernier a été attiré par le modèle économique du jeu, entièrement basé sur les cosmétiques au lieu de paquets de cartes aléatoires, et par la mécanique d'interactions entre les tours de jeu similaire à Magic.
"La diversité de decks a toujours été impressionnante, mais on a atteint une diversité vraiment saine avec l'extension. Le nombre de decks utilisés a explosé", détaille Alessio en citant une quinzaine de decks rencontrés sur le ladder en une semaine. "Le "pierre-feuille-ciseau" instauré par la meta est équilibré, ce qui fait que l'on peut sortir des decks un peu plus risqués et s'en sortir avec, même à haut niveau". La nouvelle champione Vi en est l'image, utilisée à toutes les sauces grâce à sa flexibilité.
Certains decks dominent tout de même la meta. La priorité a été donnée aux decks agressifs, très populaires auprès des joueurs casual notamment. L'exemple est la sur-représentation du deck "Burn" sans champions : "Le deck est facile à prendre en main, mais difficile à maîtriser avec ses mécaniques cachées, ce qui le rend populaire auprès de tout le monde", explique Alessio.
Le deck est tellement populaire que nombreux sont ceux qui ont demandé un nerf d'urgence, mais Riot Games a décidé de ne pas changer ses plans, ce qu'il soutient : "Ce n'est pas simple de le nerfer : si c'était le cas, on reviendrait dans une meta largement dominée par les decks combo, ce qui ne laisserait plus de place aux decks agressifs. Riot se donne le temps d'avoir des statistiques plutôt que de réagir à l'émotionnel."
L'extension a aussi amené une conséquence redoutée : l'ajout de RNG, le facteur aléatoire qui est le pire ennemi de tout stratège. Bien que rendant le jeu de cartes dans l'univers de Warcraft plus accessible et spectaculaire, elle est aussi très critiquée à haut niveau pour son impact majeur sur les matchs à grand enjeu. À l'annonce de la beta de Legends of Runeterra, Riot Games a mis un point d'honneur à en intégrer très peu, contrairement à Hearthstone, par exemple.
La direction de Riot Games a changé avec l'introduction de Bilgewater : la mécanique de vol de cartes a introduit un effet aléatoire plus important. Pour Alessio, cet ajout est pourtant bienvenu : "Chacun veut une dose différente de RNG, mais pour ma part, je pense que c'est le juste milieu avec Bilgewater. Elle ajoute du spectacle sans pour autant avoir un impact absolu sur l'issue d'une partie."
TayTwo est d'accord : "Je pense que la RNG offre des retournements de situation spectaculaire qui sont nécessaires... tant que ça reste le talent qui prime !" Après cette extension à succès et la sortie du jeu sur mobile, pour lui, la prochaine étape est le soutien de la scène eSport.
Une scène eSport dormante
Riot Games l'a affirmé à plusieurs reprises : Legends of Runeterra est un jeu à ambition esportive... l'inverse aurait été surprenant pour le premier éditeur esport au monde. Les joueurs attendent donc patiemment que l'éditeur communique ses intentions concrètes concernant le jeu : pour le moment, peu de tournois officiels ont été organisés (on peut citer l'Invitational en Corée du Sud et les Twitch Rivals) et la communauté reste dans l'attente de l'annonce d'un plan pour le développement de la scène.
Riot Games pourrait choisir de partir sur plusieurs modèles, soit de façon similaire à League of Legends avec des tournois officiels très structurés et un mondial, soit comme son nouveau FPS VALORANT, où l'éditeur laissera la communauté et les organisateurs tiers s'organiser en énonçant de simple guidelines. Alessio explique :
Je pense que Riot Games peut difficilement créer un circuit très structuré car c'est un jeu solo. Il pourrait choisir plusieurs systèmes valides. Laisser la liberté aux organisateurs tiers peut permettre un engouement de la communauté et ajouter du mouvement, mais en gardant un oeil dessus pour éviter qu'ils ne se marchent pas dessus en fonction des dates des événements. En tous cas, je pense que l'esport amènera plus de joueurs car les gens aiment le spectacle et le défi !
En attendant, des initiatives communautaires se développent. La structure compétitive Cooldown organise des tournois modestes en France. Riot Games a aussi donné un coup de pouce aux créateurs de contenu après la sortie officielle du jeu en offrant des abonnements aux spectateurs de plusieurs streamers français, dont TayTwo.
À l'échelle des jeux de cartes, Legends of Runeterra continue son petit bonhomme de chemin avec une audience satisfaisante sur Twitch à toute heure, même en l'absence de tournois. Les jeux aux plus grandes audiences sont l'indétrônable Hearthstone et Magic : The Gathering, lors de compétitions. Il reste à savoir quelle direction Riot Games choisira pour solidifier l'engouement autour du jeu de cartes.