Totalement investi par Les Chevaliers de Baphomet depuis 1996, Revolution Software a décidé de laisser George Stobbart et Nicole Collard au repos pour se concentrer sur un autre monde de son cru bien connu des vieux loups de mer. Annoncée en mars 2019, la suite de Beneath a Steel Sky est passée par chez nous.
Votre serviteur s'en souvient comme si c'était hier. Quoi de plus normal : un jeu qui tient en quinze disquettes, ça ne s'oublie pas pour quelqu'un qui n'avait à l'époque ni disque dur ni lecteur externe à donner à son Amiga 500. Paru deux ans après le déjà génial Lure of the Temptress, Beneath a Steel Sky faisait profiter les amateurs de point and click d'un univers assez fabuleux, tant artistiquement qu'au niveau de son intrigue et de ses dialogues, savoureux. Le ton drama-humoristique de Charles Cecil associé à la patte artistique de Dave Gibbons - oui, l'un des pères de Watchmen, c'était du solide. Plus de vingt-cinq ans après, cette union peut-elle encore faire sa force ?
Un Gap, une ville
Nous revoilà en Australie, dans ce futur apocalyptique à la Mad Max, où guerres nucléaires et pollution ont eu raison de l'Ancien Monde. Le très libre Robert Foster mène une existence paisible avec les gens de sa communauté, dans le désert, le Gap. Tout allait pour le mieux jusqu'à ce qu'un étrange véhicule ne vienne briser toute cette quiétude en kidnappant un jeune garçon, Milo. Toujours prêt à aider en cas de pépin, Foster part à sa poursuite et se retrouve aux portes de la ville dont il s'était enfui dix ans auparavant. Ironie du sort, tout indique qu'il lui faut entrer dans Union City, mégalopole d'acier de de néons étouffante, pour découvrir de quoi il retourne. Et quelques surprises l'attendent déjà. Mais pas le connaisseur, qui lui sera parfaitement ravi de l'introduction qui, comme pour le premier épisode, s'exprime par le biais de planches de comics, portées par la voix de son protagoniste. La suite, elle, mise un peu moins sur les souvenirs puisque, comme vous l'aviez déjà remarqué, le point and click 2D a laissé place à une aventure dans des environnements en 3D, avec un sympathique-mais-pas-non-plus-bouleversant cel shading, plus propres à laisser s'exprimer les idées et le talent de sieur Gibbons. Un choix qui a aussi ses inconvénients.
Ce qu'on remarque immédiatement alors que l'on commence à explorer librement les environs du portail d'accueil d'une cité qu'on devine tentaculaire, caméra derrière l'épaule, c'est la lenteur des déplacements, pas forcément appropriée, et l'aspect vieillot et raide des animations. Les habitués des productions Telltale ne seront guère dépaysés, mais un petit coup d'accélérateur et une dose de Soupline ne seraient pas pour nous déplaire, rien que parce que la première zone nécessite de nombreux déplacements qui, même en courant, paraissent effroyablement longs. Et que nous sommes en 2020. On ne vous parlera pas des soucis rencontrés à cause d'un mauvais agencement des touches et de quelques bizarreries si l'on opte pour la manette - qui semble assez bien gérée, cela dit - ayant encore empêché d'aller droit au but. Reste que, de manière générale, on n'éprouve aucune difficulté à viser un point ou une personne d'intérêt, "l'actionner" et choisir les possibilités offertes en termes d'interaction ou de dialogue. Qui appellent souvent à réfléchir de façon tordue. Mais logique. Dans un sens. Enfin, j'me comprends.
Cette fois, il faut rentrer
L'objectif dans un premier temps, est de passer les portes menant à l'intérieur de l'enceinte. Il faut donc dialoguer avec les personnes présentes, connaitre leurs exigences et motivations, et essayer de déterminer comment parvenir à ses fins. De ce côté, hormis dans la redondance de certains échanges ou dans les approximations de certaines remarques émises en dépit de la progression, on aime. On aime parce que les quelques personnages croisés se révèlent assez loufoques, à commencer par ce robot de surveillance pour le moins monomaniaque ou encore, plus tard, cette épouse surprise - suite à une usurpation d'identité étrangement validée. Dialogues et emploi d'objets insolites (comme des saucisses puantes) à bon escient vont donc, de manière assez classique, vous permettre d'avancer. Avec un petit sourire en coin - renforcé par quelques nouveautés concernant la situation de la ville elle-même, pour ceux qui l'avaient déjà arpenté.
Puis un autre élément entre en jeu : le piratage. Grâce à lui, on intervertira des lignes de programmes façon Baba is You pour, par exemple, que sa puce d'identification, normalement refusée, ouvre un accès, ou que le fait de passer les mains sous le capteur d'un lavabo déclenche le jet de la douche. Simple et facile. Qui sait quelles autres possibilités nous sont promises, mais on imagine déjà son potentiel. Comme celui de cette nouvelle aventure, qui dans ses grandes lignes semble déjà, en dépit de bugs en pagaille et d'absences de certains sons, bien partie pour nous amuser, notamment grâce à son doublage anglais impeccable, nous tenir en haleine avec des puzzles pouvant faire fondre nos cerveaux. Sauf si vous n'avez pas la patience et que le système d'indices, une aide toutes les deux minutes, vous fait de l'oeil. Ah, foutus gang-gangs...
ON L'ATTEND... BEAUCOUP !
Bien que les conditions de jeu ne se soient pas montrées optimales avec cette version non-finalisée, et qu'on ne dirait vraiment pas non à une vitesse de déplacement plus soutenue, Beyond a Steel Sky semble taillé pour les amoureux de point and click qui aiment les univers originaux et travaillés, les personnages et situations grotesques, et les énigmes bien tordues mais pas incompréhensibles. Plutôt engageant, le prochain Revolution Software, attendu sur PC, Mac, PS4, Xbox One, Nintendo Switch et Apple Arcade pour cette année, doit encore se faire bichonner pour déployer son plein potentiel.