Il ne reste plus que quelques semaines avant que Rockstar ne laisse les joueurs se lancer à bride abattue dans la suite de l'immense Red Dead Redemption. Toujours maître de sa communication, l'éditeur a bien voulu laisser quelques médias poser les mains sur Red Dead Redemption II. Nous n'avons pas laissé passer notre chance.
Rappel nécessaire pour les personnes qui ne se seraient pas rencardées : Red Dead Redemption II est numéroté comme une suite, mais il s'agit d'une préquelle, d'un antépisode comme diraient nos cousins québécois. Il nous emmène au crépuscule du XIXème siècle, 12 ans avant la quête de rédemption de John Marston. Le joueur incarne Arthur Morgan, membre du gang de Dutch Van der Linde (l'antagoniste de Red Dead Redemption). L'occasion de vivre une vie de hors la loi dans une Amérique encore très sauvage. Et d'assister à l'éclatement d'un groupe soudé derrière un leader aux idéaux de plus en plus contestables. Pas trop loin des enjeux de la trame principale, nous avons pu assister à une mission puis prendre en mains le jeu, le temps de se familiariser avec les commandes, d'explorer un peu et de se lancer dans le début d'une quête mouvementée. Le moins qu'on puisse dire après repérage, c'est que le butin a l'air beau.
Arthur II dans la dèche
La première partie de notre session débute quelque part dans les montagnes enneigées des Grizzlies. Première surprise : c'est l'heure des retrouvailles avec un John Marston alité, blessé au visage (tiens donc) et le buffet esquinté. Quelque chose a mal tourné durant un braquage récent, il semblerait. Et Abigail, sa compagne, de pénétrer dans la cabane folle de rage, le petit Jack à ses côtés. En prêtant l'oreille, pourvu qu'elle soit bonne, on reconnaît le timbre rocailleux de Rob Wiethoff, ex-comédien rangé des voitures dont la présence réchauffera le coeur et les oreilles des fans, quand bien même John ne figure pas comme le le protagoniste principal. Une fois l'orage passé, Dutch explique qu'un coup se monte pour permettre au posse, qui a dû fuir Blackwater et abandonner ses possessions, de se refaire. Imminent. Il s'agira de l'attaque d'un train appartenant à un certain Cornwall, qui par ailleurs inquiète légèrement Hosea, le bras droit du chef de bande... Premiers signes d'une remise en question du leadership ?
Quoi qu'il en soit, une escouade de six bandits est convoquée pour descendre jusqu'à l'entrée d'un tunnel où attend Bill Willamson. Comme auparavant, la chevauchée peut se vivre en mode automatique, en maintenant la touche Croix. Pratique pour suivre les sous-titres sans perte d'attention. Dutch donne ses directives et on peut observer le décor qui change au fur et à mesure que l'on perd en altitude, et sous d'autres perspectives grâce à un mode cinématographique à actionner via le pavé tactile. La caméra se place comme elle l'entend, mais l'on peut aussi exiger d'autres angles à l'aide d'une pression sur le stick droit. C'est peu de dire qu'on se croirait dans un Peckinpah ou un John Ford. La neige fait petit à petit place à la boue. L'escouade arrive sur une colline en surplomb du chemin de fer. On rejoint Bill pour l'aider à placer le détonateur avant de reprendre position. Un tour par le menu radial, le bandana est enfilé. Tout est prêt pour se remplir les poches sans efforts et incognito.
Le train ne sifflera pas trois fois
Sauf que rien ne se passe comme prévu. Tout s'emballe. La course pour éviter que le grisbi se fasse la malle commence. Et l'on se retrouve vite sur le toit d'un wagon, à aider Lenny, suspendu, avant de tenter une remontée jusqu'à la locomotive. On intime à notre camarade l'ordre de zigouiller un passager, discrètement. Puis la poudre parle. Le sang coule. Sans grande difficulté, le héros se retrouve à rosser le conducteur avant d'actionner les freins. Restent quelques flingueurs peu enclins à se rendre. Les balles volent une fois et l'on est témoin, sur des headshots, de ralentis à la Max Payne, toujours de bon aloi. Avant de dynamiter la voiture qui, outre des survivants qui eux sauront sortir les mains en l'air, semble contenir un beau trésor, on fouille évidemment quelques dépouilles. Puis nous voici dans une véritable suite royale, une voiture luxueuse, boisée, raffinée, arborant des lustres en cristal, dans lequel on peut interagir avec énormément d'éléments. Des obligations atterrissent dans nos mains. On les tend à Dutch qui nous propose de disposer comme bon nous semble des employés qui n'ont pas fait d'histoire. Il y a une décision à prendre, qui, nous dit-on, aura son importance sur le jeu et l'Honneur de Morgan, dont le langage corporel lui-même variera. Mais cela s'arrête là. Impossible à vérifier, donc.
Ce qu'il est possible de faire, en revanche, c'est résumer en un mot cet extrait dont nous avons été spectateur : scotchant. On sent aussi que l'on a affaire à un jeu taillé pour cette génération de consoles, et non à un upgrade d'un jeu titre PS360 comme l'est GTA V. Le rendu des environnements est splendide, avec une profondeur de champ flatteuse. La végétation au repos qui tente de percer sous la couche blanche, le brouillard qui perd en épaisseur, les petits courts d'eau qui s'agitent... À mesure que l'on descendait, on ressentait presque le gain de température. Les personnages, dans leurs modélisations et animations ainsi que leurs expressions durant les cinématiques, comme les canassons qui n'ont rien de statique, font plus vivants que jamais. Quant aux pistes musicales entendues (sur 192 morceaux interactifs annoncés), elles augurent d'une atmosphère, déjà forte d'un sound design convaincant, sachant s'adapter à chaque situation. Et avec une patte Rockstar reconnaissable en un rien de temps côté mise en scène et écriture, rien que cet extrait suffit à confirmer un potentiel explosif.
So far, so far away
Sauf que cela ne s'arrête guère : la manette nous revient. Propulsé au milieu d'une plaine ensoleillée des Heartlands, une manufacture de pétrole visible au loin, une diligence traçant sa route sur un chemin de terre à quelques dizaines de mètres, on réalise que la vue FPS instaurée par GTA V ne s'est pas débinée. Un coup sur le pavé tactile et on switche à l'envi. Tout le jeu pourra être joué "de l'intérieur". Sympa. On tente d'analyser d'autres éléments visuels, notamment au-dessus de l'habituel GPS, situé dans le coin inférieur gauche de l'écran et indiquant les points d'intérêt connus à proximité comme les éventuels objectifs. Sont affichés des symboles qui correspondent à la jauge de vie, d'endurance et au Dead Eye (Sang Froid en VF), faculté qui ralentit le temps pour ajuster et cibler sans effort dans un bullet time saturé du plus bel effet, et deux autres pour l'énergie et la vie de sa monture.
Le cheval, qui rapplique lorsque l'on siffle s'il est à bonne distance, se veut bien plus qu'un moyen de locomotion. Ce compagnon qui va porter tout l'équipement qui n'est pas sur votre dos dans ses sacoches a besoin d'amour, d'attention. Il faudra travailler votre affinité, dans un style plus élaboré que dans Zelda : Breath of the Wild. On devra, comme pour Morgan, veiller à bien nourrir la bête, mais aussi à l'examiner, la nettoyer pour qu'elle récupère convenablement de ses efforts. Plus de complicité, ce sera la possibilité d'accomplir quelques tours, dont le cabrage, ou encore de profiter de dérapages (oui) fort utiles lors d'une course-poursuite. Plus lourd et plus agréable à manoeuvrer que dans l'épisode précédent, le cheval a pour autre avantage de transporter les prisonniers mais aussi le gibier.
Toi, tu creuses
Après avoir rossé deux brigands à la langue trop bien pendue, l'occasion de tester un corps-à-corps basique mais efficace et visuellement satisfaisant, on part en quête d'une bête à chasser. Notre démonstrateur nous fait remarquer que, durant la rixe, notre chapeau est tombé. On retourne sur nos pas. On pourrait ramasser l'un des galurins des gredins dépouillés de leurs biens - et portés et jetés comme des sacs de farine pour cause d'embrouille sur les touches. Mais nous préférons conserver celui de Morgan. Un cervidé ne tarde pas à se trouver à portée. Tout en restant sur la selle, on s'équipe de l'arc - à noter que tout l'arsenal porté par le héros se voit, pas de poches magiques. Par souci de discrétion, on s'approche un peu accroupi, tout doucement. La visée est rapide, claire. La flèche atteint son but : la tête. Une mort propre. Cela a son importance. Direction le cadavre. On le dépèce, cette fois en se voyant retirer son "pyjama" (là où Red Dead Redemption nous présentait un gros plan de Marston en contre-plongée). On étend la peau sur l'arrière-train de cheval avant d'y poser l'animal mort. Détail amusant : le sang est resté sur la veste, du côté de l'épaule qui l'a porté. Il va peut-être falloir prendre un bain en ville. Ce genre de choses, les carnivores du coin peuvent le sentir.
Le bled le plus proche, Valentine, où il semblerait que l'on ait fait du grabuge il y a peu, vu comment tout le monde nous dévisage, dispose d'un boucher. Le fait d'avoir chassé proprement et de n'avoir pas traîné fait qu'on récupère un peu plus d'oseille sur le cuir et les restes. Quelle classe. En avançant à pieds, en guidant le cheval, on en apprend davantage sur un verrouillage qui rappelle, encore une fois, le dernier Zelda : en maintenant L2 en direction de quelqu'un, sans avoir dégainé, un éventail d'interactions apparaît, dont un salut amical ou des menaces. Même chose avec le cheval, qu'on peut ausculter, cajoler... Mais surtout avec un chien errant qui va réagir à nos appels et que l'on finira par caresser plusieurs fois. Il ne nous suit pas. Tristesse. Direction l'armurier pour découvrir cette fois un nombre impressionnant d'options de personnalisation. Longueur du canon, type de bois de la crosse, mire, gravures... Il y a le choix. Et en gros plan, les flingues et fusils, qu'il faudra aussi entretenir, sont simplement resplendissants.
If they move, kill'em
Le temps de faire des emplettes, la nuit est tombée. Un détour par un saloon local nous révèle, en cinématique, un personnage secondaire prêt à nous rémunérer. La mission qu'il souhaite nous confier ? Récupérer les témoignages de fines gâchettes qui pourraient vanter une légende de l'Ouest tombée dans la bouteille - avec option meurtre s'ils ne coopèrent pas. On aurait pas dit non. Mais nous sommes attendus sur notre campement. D'abord une bonne nuit à l'hôtel. Puis un peu de route avant d'arriver sur un bivouac ressemblant à un petit village. On va d'abord inspecter son look. Le cheveu est long, la barbe fournie. Oui, comme Geralt dans de The Witcher III, Morgan n'a pas une pilosité fixe. Et on nous dit qu'à l'instar de CJ dans GTA San Andreas, il pourra grossir si on ne fait pas attention à son alimentation. On pourra évidemment changer de vêtements mais aussi décider de choses futiles comme le fait d'avoir les manches relevées ou les bottes par-dessus le pantalon. Mais pour le moment, on coupe, on taille pour qu'une belle moustache à la Burt Reynolds vienne éclairer son visage. Nos amis vaquent à leurs occupation, on en intercepte quelques uns, on discute.
Dutch, encore lui, a une faveur à nous demander : arracher les confessions d'un prisonnier, Kieran, qui fait mine de ne pas savoir où est caché le clan O'Driscoll. On approche le garçon attaché à son arbre, on lui promet qu'il va en baver. Puis Dutch et Bill s'en mêlent pour renchérir avec le genre de torture qu'un homme désireux d'avoir une descendance ne saurait accepter sans broncher. Il craque, il cafte. Et il nous accompagne jusqu'à notre destination, aux côtés de deux autres potes. Cette fois, on teste nous-même le système d'ordre, en regardant une cible, puis face à l'échec de notre lancer de couteau, le gunfight. Toujours semi-automatisé. En se mettant à couvert, et fondant vers l'ennemi avec précaution, l'exercice paraît simple, d'autant que la plupart des adversaires ne semblent pas forcément très futés. Les sensations sont bonnes colt en main,. Le Dead Eye se révèle tout à fait dévastateur. Mais son utilisation demeure limitée dans le temps. Heureusement. L'extérieur nettoyé et fouillé, avec confirmation que l'on ne ramasse pas des objets invisibles et de manière groupée, on file vers une cabane. Une saynète joyeuse s'en suit dans laquelle l'otage prouve son utilité. Mais on en reste là.
Red Dead de toi
Plus d'une heure passée en sa compagnie. Il est fort difficile de se séparer de Red Dead Redemption II. On sait qu'on le retrouvera d'ici quelques semaines. Mais on ne se cesse de penser à ces grands espaces magnifiques et débordant de vie, de détails innombrables, à cette petite ville en pleine activité dans laquelle on peut s'adresser à tout le monde, à cette liberté qui nous est promise. Et de se dire que si l'on a déjà pas mal de certitudes concernant le fond de jeu, qui a l'air raffermi et étoffé, et une réalisation qui semble d'une solidité à toute épreuve, il reste encore bien des questions avant la sortie, calée au 26 octobre prochain sur PS4 et Xbox One. Quid de la diversité des activités annexes réservées cette fois à un voyou sans états d'âme ? De la taille de la map, qu'on a pu deviner assez importante ? Des différents effets météorologiques dynamiques et de leur rendu ? Du gameplay avec une pétoire dans chaque main ? Des séquences de dressage au lasso ? De la chasse des animaux rares pour le crafting ? De l'importance d'aider et d'agencer le campement en apportant vivres et richesses ou en prenant soin de parler avec tout le monde ? Des duels ? Des mini-jeux dont le Poker ? Du multijoueur en ligne que nous commencerons à essayer en novembre ? Des clins d'oeil et références à l'épisode précédents et à Red Dead Revolver ? On croit savoir, mais on n'a encore rien vu.
ON L'ATTEND... À LA FOLIE
Les trailers nous avaient prévenus. Passer du temps avec une version très avancée de Red Dead Redemption II nous conforte : un braquage pour le titre du jeu de l'année est en train de se mettre en place. Et il est clair que Rockstar, qui a mobilisé tous ses effectifs, ne compte pas s'en tenir à cela. L'objectif pour les parents de GTA, dont on connaît le talent, se dessine sûrement : s'enfuir avec la réputation du jeu d'action en monde ouvert le plus beau, le plus riche, le plus authentique, le plus épique, le plus immersif jamais conçu. Tel un joueur de Poker sûr de sa main, le sourire bien dissimulé derrière des cartes portées haut, l'éditeur garde encore quelques surprises à l'abri des regards... Des atouts qui permettront à Red Dead Redemption d'écrire une nouvelle légende après celle de 2010 ?