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L'ARJEL, l'Autorité de régulation des jeux en ligne, a rendu son Rapport d'Activité 2017-2018. Et dans ce dernier, l'ARJEL revient sur la polémique sur les Loot Boxes et donne la conclusion de l'enquête qu'il a menée des suites de cette dernière. D'après l'ARJEL, les loot boxes ne peuvent pas être considérées comme des jeux d'argent car l'intention initiale des éditeurs de jeu n'est pas la monétisation ultérieure des objets virtuels présents dans ces loot boxes.

Même si l'intuition invite à penser le contraire, un lot immatériel peut constituer un véritable gain. Il en va ainsi lorsqu'il est susceptible de donner lieu à une monétisation, c'est-à-dire d'être vendu. L'exemple peut être donné des objets virtuels (épées, boucliers ou encore armures magiques) remportés lors de la participation à des compétitions de jeux vidéo et qui peuvent être cédés à titre onéreux sur des plateformes de mise en relation. Il se conçoit que certaines personnes ne pratiquent un jeu vidéo que dans la perspective d'obtenir un objet qu'elles pourront revendre, c'est-à-dire dans l'espoir d'obtenir un gain, un enrichissement. Est-ce à dire que celui qui propose ce jeu vidéo offre un jeu d'argent? Encore faudrait-il pour qu'il en aille ainsi, non seulement qu'il impose un sacrifice financier autre que celui exclu par l'article L.322-11, mais aussi qu'il participe à cette monétisation. Il se peut en effet que la revente de ce lot immatériel intervienne sur un site autre que celui qu'il exploite, qu'il soit étranger à cette cession, voire qu'il (s')y soit opposé. Chaque situation appelle un examen particulier de la part des services de l'ARJEL.

Ce rappel très synthétique des critères du jeu d'argent est indispensable pour comprendre le domaine d'intervention de l'ARJEL, dont il faut rappeler qu'il est défini par la loi. Bien souvent, il lui est demandé d'intervenir à propos de jeux s'agissant desquels soit le sacrifice financier soit le gain fait défaut. Ce qui ne veut pas dire que ces jeux ne posent pas de difficultés. Celles-ci sont parfois bien réelles et traduisent fréquemment des manquements aux règles du code de la consommation. Reste que l'Autorité ne peut que constater et répondre, lorsqu'elle est ainsi contactée, que la situation ne relève pas de son champ d'action et orienter en conséquence ses interlocuteurs vers les autorités effectivement compétentes.

Il convient cependant de souligner que l'ARJEL indique simplement que l'encadrement des loot boxes sort de sa juridiction à cause de la définition française des jeux d'argent. L'Autorité précise malgré tout qu'elle mène plusieurs enquête en ce moment car la légalité de certains jeux est "discutable" selon elle. Ces jeux à la légalité "discutables" sont selon l'ARJEL des titres dans lesquels les objets virtuels sont "susceptibles de cession en dehors de la plateforme de jeu et que l'éditeur permet l'utilisation de lots acquis ailleurs que dans l'environnement de sa plateforme" (ce système de vente entre joueurs d'objets utilisables in-game est par exemple employé par des titres comme Dota 2, Counter-Strike : Global Offensive ou encore Playerunknown's Battlegrounds).

De plus, l'ARJEL estime que, même si les loot boxes ne correspondent pas nécessairement à des jeux d'argent, elles peuvent être problématiques et nécessitent un meilleur encadrement de la part des autorités et de meilleures pratiques de la part des éditeurs :

Il apparaît que les micro-transactions, qu'elles répondent ou non à la définition des jeux d'argent, mettent à mal les objectifs de la politique publique en matière de jeux d'argent:

- en effet, elles interviennent dans des jeux accessibles aux mineurs puisque sans aucune vérification de l'identité; elles suscitent des habitudes et des réflexes qui en font, pour ces publics vulnérables, des passerelles privilégiées vers les véritables jeux d'argent. Le fait de dépenser de l'argent, de façon parfois répétée, dans l'espoir d'obtenir un personnage ou tout autre objet virtuel susceptibles de faciliter la progression dans le jeu, constitue, sans que cela puisse être toujours qualifié d'espérance de gain, un apprentissage aux paris et aux machines à sous;

- par ailleurs, dans la plupart des micro-transactions, le joueur ne sait pas ce qu'il achète et le résultat de son acquisition est gouverné par le hasard ou plus exactement par un générateur de nombre aléatoire. Or, en l'absence de tout contrôle, il n'existe aucune garantie que la distribution des lots ne se fasse pas en fonction du comportement du joueur et de l'exploitation de ses données personnelles avec l'objectif de l'inciter à jouer davantage en manipulant le caractère aléatoire de la distribution;

- enfin, l'argument des éditeurs de jeu selon lequel toutes les «loot boxes» contiennent des lots, et donc se distinguent des jeux d'argent, est discutable: la pratique relève en effet de la technique du «near missed» utilisée dans les machines à sous qui consiste à donner le sentiment au joueur qu'il a presque gagné pour l'inciter à jouer toujours davantage et donc de façon excessive.

D'après l'ARJEL, l'action menée doit avoir une échelle européenne. Selon elle, le caractère international des jeux et des plates-formes sur lesquelles ils tournent donne plus de poids à une action groupée. De plus, les lois et mesure actuellement en vigueur en France ne sont pas adaptées aux jeux vidéo. Enfin, l'ARJEL explique qu'une action groupée aurait selon elle plus de sens car de nombreuses institutions sont concernées par cette action : "les régulateurs du jeu d'argent mais aussi les autorités de protection du consommateur, les parquets financiers, les autorités européennes de contrôle en matière de données à caractère personnel (pour l'utilisation des données des joueurs), les administrations régulant le secteur bancaire (pour la sensibilisation des émetteurs de moyens de paiement et de monnaie électronique utilisés pour régler ces micro-transactions)." Il paraît en tout cas évident que l'affaire des loot boxes est loin d'être terminée.