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Anita Sarkeesian, la blogueuse spécialisée dans la représentation des femmes dans la culture populaire, fait beaucoup parler d'elle ces derniers temps. Ses différentes prises de position sur le traitement accordé aux personnages féminins dans les jeux vidéo ont fait d'elle la cible d'une violente campagne de harcèlement menée par des joueurs mécontents de voir de telles questions soulevées.

Menacée de viol et de mort à de nombreuses reprises, Anita Sarkeesian s'est retrouvée malgré elle impliquée dans le volet antiféminisme du Gamergate (mouvement qui à l'origine traitait des problèmes d'éthique dans la presse vidéoludique). Et cette semaine, l'affaire a connu un tournant pour le moins sordide.

Menacer n'est pas jouer

Anita Sarkeesian était en effet invitée par le Center for Women and Gender Studies (le centre dédié aux questions liées aux femmes et au genre) de l'Utah State University pour s'exprimer devant ses membres mercredi matin. De sérieuses menaces reçues par e-mail par le directeur du centre et plusieurs autres personnes ont cependant compromis ces plans.

Le site Standard Examiner a réussi à se procurer une copie de cet e-mail. Et force est de constater que les menaces sont extrêmement sérieuses. L'individu responsable de cette lettre menace tout simplement de procéder à une tuerie :

Ceci est une mise en garde à destination de tout le personnel et les étudiants de l'Utah State University.

Mercredi 15 octobre, une femme du nom d'Anita Sarkeesian va parler au Taggart Student Center. Cet événement est organisé par les féministes du campus du Center for Women and Gender Studies.

Si vous n'annulez pas sa conférence, une attaque similaire au Massacre de Montréal sera perpétrée contre les spectateurs ainsi que contre les étudiants et le personnel à proximité du Women's Center. J'ai à ma disposition un fusil semi-automatique, de multiples pistolets, et toute une collection de bombes artisanales. Cela sera la tuerie la plus meurtrière ayant eu lieu dans une école américaine de l'histoire de l'Amérique, et je vous donne une chance de l'empêcher de se produire.

Vous avez 24 heures pour annuler le speech de Sarkeesian. [...]

Anita Sarkeesian représente tout ce qui ne va pas avec les femmes féministes et elle va mourir en hurlant comme la petite putain lâche qu'elle est si vous la laissez venir à USU. J'écrirai mon manifeste avec son sang et vous serez tous témoins de ce que les mensonges et le poison féministes ont fait aux hommes d'Amérique.

Je suis un étudiant ici. Vous ne me trouverez jamais, mais peut-être que vous connaîtrez bientôt mon nom. Les féministes ont gâché ma vie et je vais me venger, pour moi et pour tous les autres à qui elles ont causé du tort.

Vous avez 24 heures. Faites-en bon usage.

Le Massacre de Montréal auquel l'individu fait référence est une tuerie qui a eu lieu en décembre 1989 à l'École Polytechnique de Montréal. Le tueur, qui avait lui aussi déclaré que les féministes avaient gâché sa vie, avait assassiné 14 femmes avant de se suicider.

Céder face aux menaces ?

À l'origine, Anita Sarkeesian n'avait pas l'intention d'annuler son discours. Les lois de l'État de l'Utah en matière de port d'arme (il y est autorisé de porter une arme en public) et le refus, lié à celles-ci, émis par la police de réaliser des fouilles et d'installer des détecteurs de métaux l'ont cependant contrainte à annuler sa venue à l'université. Elle précise par ailleurs que la lettre de menace évoquée ci-dessus n'est pas la seule reçue au sujet du speech prévu à l'Université d'Utah.

De multiples menaces spécifiques indiquant l'intention de me tuer et de tuer des féministes à USU ont été faites. Pour information, une des menaces affirmait être liée au #gamergate.

Au point où nous en sommes, soutenir le #gamergate correspond à soutenir de manière implicite le harcèlement des femmes de l'industrie vidéoludique.

Je suis en sécurité. Je vais continuer à travailler. Je continuerai à parler ouvertement. L'industrie du jeu vidéo dans son ensemble doit se lever contre le harcèlement des femmes.

Que les choses soient claires : je n'ai pas annulé mon speech à USU à cause de menaces terroristes. J'ai annulé car les mesures de sécurité n'étaient pas adéquates pour moi.

Je répète : USU et la police de l'Utah ont refusé de procéder à la moindre fouille destinée à déterminer si quelqu'un avait apporté une arme à feu à mon événement.

USU s'est comportée de manière irresponsable. Ils ne m'ont même pas informé de la menace. Je l'ai apprise après avoir atterri en Utah grâce à des articles publiés sur Twitter.

Les menaces publiées en ligne contre les femmes sont réelles, nombreuses, et doivent être prises au sérieux aussi bien par les agences de maintien de l'ordre que par les institutions scolaires.

Je ne tiendrai plus de conférence dans une institution de l'Utah jusqu'à ce que les armes à feu soient interdites dans les écoles. J'encourage les autres à en faire de même.

Ces derniers mois, les intolérables menaces proférées contre des femmes perçues comme des ennemis par les antiféminisme ont pris une telle ampleur que le FBI a été impliqué. Cela étant dit, le cas de cette semaine prouve une fois encore que les choses ont dépassé le cadre du simple Gamergate et du comportement des seuls joueurs.

Cette nouvelle affaire permet de mettre, une fois de plus, en avant un problème profond qu'un certain nombre d'internautes ont dans leur rapport aux femmes. Ce dernier a par ailleurs pris une telle ampleur qu'il en est arrivé à provoquer indirectement un débat au sujet des lois en matière de port d'armes aux États-Unis. Terrifiant.