Le studio Dontnod, qui développe Remember Me (anciennement Adrift) pour Capcom, a fait part publiquement de son expérience avec certains éditeurs qui leur ont soutenu que les jeux "à héroïne" ne vendaient pas.
C'est dans un article de Penny Arcade que les propos de Jean-Maxime Morris, le directeur créatif, ont révélé certaines des conversations auxquelles il aurait été confronté dans sa quête d'un éditeur pour le jeu.
Nous avons eu certaines sociétés qui nous ont dit : "nous ne voulons pas l'éditer parce que ça ne marchera pas. Vous ne pouvez pas avoir de personnage féminin dans les jeux. Il faut que ce soit un personnage masculin, c'est aussi simple que ça". On a eu des gens qui nous ont dit : "vous ne pouvez pas avoir un type comme le joueur qui embrasse un autre type dans le jeu, ce serait embarrassant".
A l'évidence, Jean-Maxime explique dans cet entretien que ce genre d'étroitesse d'esprit empêchait l'industrie d'avancer :
Si on pense comme ça, c'est impossible pour le medium (sic) de devenir mature. Il y a bien un niveau d'immersion auquel on doit parvenir, mais ce n'est pas comme si notre orientation sexuelle pouvait être remise en question parce qu'on joue à un jeu. On peut s'identifier à des personnes de l'autre sexe dans des films, pourquoi ne pourrait-on pas le faire dans des jeux ? Le fait que notre coeur de cible soit constitué d'hommes de 15-25 ans n'est pas une excuse. Nous avons besoin de créer, et de respecter assez l'audience pour croire qu'elle peut être assez intelligente pour s'identifier à ce type de personnage.
Le débat du sexisme dans le jeu vidéo, et de sa tendance difficilement réfutable à ne se focaliser que sur des héros cis-masculins tout en limitant bon nombre de ses expériences et de ses histoires à des audiences ado/adulescentes fait actuellement rage.
Au-delà même de ce que le jeu vidéo produit aujourd'hui, les problématiques de représentation des femmes dans l'industrie font actuellement l'objet d'une attention plus soutenue, ce qui n'est pas un mal. Il y a quelques jours, EA tenait un événement nommé Full Spectrum pour aborder notamment les questions de l'approche qu'a l'industrie des questions LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres), et plus globalement de son ouverture à plus de représentativité et de diversité. Caryl Shaw, productrice exécutive à Kixeye, y qualifiait l'industrie ainsi :
C'est encore et toujours une industrie de mecs blancs. En général c'est toujours un milieu difficile à pénétrer pour les femmes, et il faut que ça change. J'espère qu'elles tendent la main, font des stages et essaient de guider d'autres femmes. (...) Je veux que la prochaine génération de développeurs ne soit pas un ratio de 15% de femmes et 85% d'hommes.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions, importantes. Mais il paraît quoiqu'il arrive difficile de ne pas considérer que le jeu vidéo, pour devenir plus mature, aurait bien besoin d'élargir le spectre des sujets qu'il aborde, tout comme son approche de la place accordée aux femmes à la fois dans ses fictions et au sein même de l'industrie.