Un retour qui se produit néanmoins sur fond de polémique sur internet. D'un côté l'ancien JeuxVideoMagazine.com rebaptisé JVN, de l'autre le nouveau JeuxVideoMagazine.com. Deux sites partageant les mêmes interfaces et une large partie du contenu. Une question : qui est qui ? Un précédent forcément intenable qui suscite depuis quelques jours de nombreuses réactions de lecteurs sur le net. Que s'est-il passé ?

Pour mieux cerner les tenants et aboutissants de la situation, nous avons contacté Jean-François Morisse (co-fondateur de Link Digitial Spirit, repreneur de Jeux Vidéo Magazine et exploitant du site JeuxVideoMagazine.com) et Rodolphe Donain (rédacteur en chef du site JVN.com).

Chronologie

Pour mieux comprendre cet umbroglio, il faut repartir quelques années en arrière. 

C'est en juin 2009 que JVN a été créé par la société Canal Jeu Vidéo. La société Canal Jeu Vidéo est créée de manière indépendante à Yellow Media (leader de la presse spécialisée jeu vidéo en France), mais les deux sociétés sont pourtant liées par une holding. Le but était alors de séparer les deux activités. Le print chez Yellow Media et le web chez CJV. 

Fin 2011, suite au redressement judiciaire de Yellow Media, la société MER7 en rachète les actifs. Début 2012, un dirigeant commun à MER7 et CJV, Francis Jaluzot, décide alors de transformer JVN en JeuxVideoMagazine.com.

Le 21 juin 2012, tous les contenus de JVN apparaissent désormais sous la bannière (et le nom de domaine) JeuxVideoMazine.com. L'ensemble des contenus continuant d'être intégralement créés par l'équipe de Canal Jeu Video.

Fin 2012, suite à la liquidation de MER7, Link Digital Spirit (fondé par Brice N'Gessan, Jean-François Morisse, Laurent Guillemain et Alain Georges) obtient la marque Jeux Vidéo Magazine et son .com, mais aussi l'utilisation de ses contenus. C'est précisément ce dernier point qui cristalise tous les enjeux, et sur cette base que les différends sont nés entre les deux entités...


Les deux sites ont exactement la même maquette et le même code (passer la souris dessus pour alterner entre eux).

Les points de divergence 

Pour Rodolphe Donain, rédacteur en chef de JVN, tout est une question de paternité de la création des contenus. 

Pour nous c'est très clair, nous ne revendiquons pas l'url de Jeux Video Magazine. En revanche, le contenu nous appartient exclusivement. On nous parle de partage de contenu ? Cela ne peut se faire qu'avec l'accord de CJV. Mais notre direction n'a jamais accordé la possibilité d'utilisation à des tiers. C'est une notion essentielle du droit d'auteur en France. Si quelqu'un d'autre en profite, c'est parfaitement illégal. On ne peut pas céder ou vendre quelque chose dont on n'a pas la propriété. 

Tout se serait accéléré ainsi le 8 janvier dernier comme nous le présente toujours Rodolphe Donain : 

C'était le 8 janvier. Nous décidons de migrer et redevenir JVN.com, évidemment avec le contenu qui nous appartient. Oui, nous étions au courant que LDS allait relancer son propre JeuxVideoMagazine.com. Chacun allait vivre sa vie, pas de souci. 

Mais dès le lendemain, nous découvrons qu'une copie conforme de notre site, contenu, textes, vidéos, base des membres, y compris nos copyrights... mais avec des articles datés du 23 octobre. Personne au sein de CJV n'était au courant et n'avait autorisé ce backup. Je pense que la CNIL sera très intéressée de connaître la situation, surtout concernant les inscrits dont les coordonnées personnelles se retrouvent sur un autre site. Cette histoire est plus que surprenante. 

Jean-François Morisse, co-fondateur de Link Digital Spirit, tient cependant à préciser les choses. Il explique ainsi que sa société a voulu prendre contact avec CJV début Janvier, mais n'a pas eu de réponse. Il aurait ainsi découvert la reprise du nom JVN.com pour l'ancien site, au moment de sa "remise" en ligne, les poussant à réagir :

Ils ont voulu nous prendre de vitesse, on voulait discuter, mais ils n'ont plus voulu nous parler. Forcément on a dû réagir et lancer JeuxVideoMagazine.com en urgence. On aurait fait des choses différentes, plus de différenciations de contenu, changement de template...

Se plaçant du strict point de vue légal, Jean-François Morisse ajoute :

Il faut bien comprendre que tout cela s'est fait suite à un audit par un cabinet d'avocats. Au regard des contrats, nous avions le droit de demander le site et ses contenus, et de les exploiter. Sinon nous ne l'aurions pas fait.

Je comprends bien qu'ils soient en colère, mais comme on nous a dit que nous avions le droit, nous y sommes allés. Il est à noter que nous avons rapidement enlevé toutes les vidéos de leurs émissions, car nous considèrons que c'est l'ADN de JVN, et nous ne souhaitons pas les utiliser. Nous n'avons rien contre JVN, notre seul souhait reste de satisfaire nos lecteurs dans le respect des lois. 

"C'est 4 ans de boulot qui sont volés."

Mais pour Rodolphe Donain, la situation se révèle sans précédent et particulièrement grave. Les griefs sont clairs : 

Nous leur reprochons d'utiliser un contenu, une maquette, un code source, une base de membres, de créer une confusion entre nos deux sites et un parasitage de contenu, en terme d'audience. Il y a par exemple un vrai problème de duplication posant des problèmes de référencement avec Google. 

C'est 4 ans de boulot qui sont volés. J'en ai vu des crasses dans ce milieu, mais là c'est du jamais vu. Au-delà des points de vue légaux, sur lesquels je ne suis pas amené à m'exprimer, ce sont les tribunaux qui jugent ça, quoi que fasse JeuxVideoMagazine.com ils n'auront jamais la légitimité de notre contenu. J'espère que la loi, un jour, nous donnera raison. On ne peut pas supporter une telle situation longtemps. 

Des accusations et menaces de procès envoyées à mots-couverts que Jean-François Morisse balaye, s'appuyant une fois de plus sur la décision du tribunal lors de la liquidation de la société MER7 : 

On nous reproche de les avoir volés ? C'est faux. En décembre 2012, Link Digital Spirit a repris Jeux Vidéo Magazine. Comme je le disais, le tribunal nous a alors octroyé le droit d'exploitation de la marque, le site et ses contenus. C'était une condition suspensive. Récupérer un site vide n'avait aucun intérêt. 

S'ils ne sont pas d'accord, il faut contester cela auprès du tribunal, pas de nous. Nous n'avons jamais rien dit contre eux. Nous ne les traitons ni de menteurs, ni de voleurs. La différence se fera donc dans les mois qui viennent. Nos projets sont différents. Nous leur souhaitons le meilleur, qu'ils n'hésitent pas à nous recontacter d'ailleurs. Mais je souligne que nous avons souhaité discuter avec eux début janvier, avant que tout cela n'arrive, et ils n'ont pas donné suite.

Je précise que nous n'avons pas été attaqués. S'ils sont si sûrs d'eux, pourquoi il n'y a pas d'action en justice ? Ils font une campagne de dénigrement, et ça c'est répréhensible. 

La suite des événements

Visiblement non désireuse d'en rester là, la société CJV a néanmoins été placée en redressement judiciaire hier, le jeudi 17 janvier 2013. Une situation économique extrêmement difficile qui pourrait précipiter la conclusion de cette affaire.

Une chose est sûre, après la mort de nombreux magazines il y a quelques mois, la presse de jeu vidéo française semble actuellement traverser la période la plus difficile de son histoire. Espérons que les tribunaux laissent bientôt place aux jeux vidéo...

PS : A noter que, malgré l'absence en kiosque en décembre, les abonnés de Jeux Vidéo Magazine ne perdent aucun numéro, l'abonnement sera décalé d'un mois.