On connaît l'homme essentiellement pour son travail, aux côtés de Tim Schafer et Dave Grossman, sur les deux premiers épisodes de Monkey Island. Les meilleurs point'n'click de LucasFilm, il y a une vingtaine d'années, c'est lui. Ron Gilbert est aujourd'hui derrière The Cave, un projet développé chez Double Fine pour Sega. Un titre qui se rapproche assez de ses tous premiers travaux, comme vous le lirez à travers nos impressions. Et comme il va lui-même nous l'avouer au cours de cette entrevue, s'achevant sur une terrible révélation.
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Comment vous est venue l'idée de The Cave ?
C'est une idée que j'ai eu il y a à peu près 25 ans, celle de ces personnages qui visiteraient une caverne secrète, profonde, douée de parole, pour en savoir davantage sur eux-mêmes. Cela n'a cessé de mûrir dans mon esprit durant toutes ces années. C'est devenu un jeu d'aventure alors que je ne songeais pas à cela au tout début. Et puis j'ai eu l'opportunité d'entrer chez Double Fine et de développer l'idée en leur compagnie, de mixer un peu de mes idées bizarres avec leurs idées bizarres.
Pourquoi sept personnages différents ? Pensiez-vous en incorporer plus que sept au départ ?
En réalité j'avais pensé à neuf personnages au total mais cela faisait trop. Sept a toujours sonné comme le chiffre juste. Et puis Maniac Mansion avait lui aussi sept personnages et c'est quelque chose que j'avais envie, d'une certaine façon, de revisiter.
A ce sujet, on note une véritable parité, possible grâce aux jumeaux, est-ce quelque chose que vous aviez réfléchi ?
Oui, j'ai toujours souhaité qu'il y ait autant de personnages féminins que masculins. Même lorsqu'avec le reste de l'équipe il a fallu choisir les héros qui intégreraient le jeu au final, j'y tenais. C'est pour cela que les jumeaux - qui agissent comme un seul personnage - existent, ils n'avaient aucune chance de disparaître du jeu final, ne serait-ce que pour ça.
La difficulté du jeu ne semble pas du genre frustrante, pas de morts ou de puzzles à s'arracher les cheveux - contrairement à ce que vous faisiez il y a vingt ans. Est-ce pour ne pas frustrer un public plus large et moins gamer ?
Vous savez, dans les jeux d'aventure, il y a toujours une part de frustration. Et puis cela dépend vraiment. Nous avons réalisé pas mal de playtests, avec des centaines de personnes. Certaines surmontaient les puzzles rapidement, d'autres bloquaient. Il y a un côté aléatoire, la petite lampe dans votre tête oublie parfois de s'allumer pour résoudre une énigme. Ce qui est certain, ce que notre intention n'a jamais été de faire un jeu d'aventure simple, rabaissé pour plaire à une audience plus large. Il y a ce qu'il faut en matière de puzzles complexes (sourire).
Y'aura-t-il des différences notables en termes d'interface entre les version PC et consoles ?
La version PC sera différente. Vous pourrez jouer avec votre souris, cela aura davantage l'air d'un point'n'click. Cela dit, si vous avez une manette Xbox filaire, vous pourrez parfaitement jouer avec.
Est-ce nous ou, sous des atours humoristiques, The Cave traite de thèmes bien plus sérieux concernant les désirs humains ?
Il s'agit clairement du jeu le plus sombre sur lequel j'ai travaillé. J'aime les films noirs, les films où les héros sont « endommagés » à un certain niveau. Je trouve ça très intéressant mais j'ai tendance à vouloir faire des trucs marrants. Ici, il est question de comédie noire, d'essayer de rendre amusantes des situations où les personnages principaux sont parfois horribles. En parvenant à donner un peu de légèreté, elles ne paraissent plus aussi sérieuses.
On a l'impression qu'il y a de moins en moins de titres qui jouent la carte de l'humour ou qui parviennent à nous faire rire. Pourquoi selon vous ?
Je pense que réaliser un jeu drôle est très difficile. Si vous prêtez attention à l'humour dans les films, vous constaterez que ceux qui les font ont un contrôle total du timing. L'humour est avant tout une question de timing. Je vous raconte une blague et je délivre la punchline au moment adéquat. Le problème dans jeu réside dans le fait que le timing se trouve dans les mains du joueur. Nous ne sommes pas certains que le bon personnage sera au bon endroit au bon moment pour la punchline qui doit être balancée. Cela implique la mise en place d'un humour différent, où vous construisez vos blagues, et que le trait d'esprit surgit bien plus tard. On dirait qu'aujourd'hui lorsque les développeurs tentent de l'humour ils se contentent de trucs idiots et je ne trouve pas ça très intéressant. Je préfère quand c'est sophistiqué, élaboré, cela rend les choses plus drôles.