Le jeu vidéo est-il trop violent ? Les jeux vidéo violents peuvent-ils avoir un impact sur les joueurs ? Les jeux vidéo vont-ils trop loin ? Y-a-t-il une limite dans la violence dans le jeu vidéo ? Quel est le vrai rôle du jeu vidéo dans les tueries scolaires aux Etats-Unis ? Peut-on devenir accro aux jeux vidéo ?
Il y a quelques jours nous publiions notre interview de Thomas Gaon. Interview que nous vous avions alors livrée en format vidéo. Aujourd'hui, nous vous proposons de la (re)découvrir soit en vidéo, soit en audio, soit à l'écrit. Idéal pour laisser mûrir chacune des réflexions sur ces thèmes sulfureux.
Thomas Gaon, psychologue clinicien diplômé en psychopathologie clinique (Paris VII) et membre de l'observateur des mondes numériques en sciences humaines, nous répond et nous aiguille au-delà des fantasmes communément admis par le grand public. Une interview sans langue de bois.
Les travaux de Thomas Gaon apparaissent dans de nombreuses publications traitant du jeu vidéo...
- "Le ressort de l'angoisse dans les jeux vidéo" Les jeux vidéo au croisement du social, de l'art et de la culture. Questions de communication. série acte 8. Presses universitaires de Nancy. 2010.
- "L'échappée virtuelle : futur délice ou délit de fuite ?" La lettre de l'enfance et de l'adolescence, revue du GRAPE, n°77, Erès
- "Soigner des jeux vidéo" in Mauco O. (dir.), Quaderni ("Jeu vidéo et discours"), n°67, Ed. Sapienta, automne 2008.
- "Psychopathologie des jeux en ligne" Sylvain Missonnier (Dir.) Cliniques des technologies de l'information et de la communication Carnet/PSY hors-série, novembre 2007.
- "Des mondes numériques comme paradis artificiels" Franck Beau (Dir.) Culture d'univers FYP Editions, Paris, 2007.
- "Je(u) vidéo" Le sociographe, n°15, septembre 2004.
- "Jeux vidéo : l'avenir d'une illusion" Adolescence, n°47, 2004.
Sommaire
Est-ce que le jeu vidéo dans sa grande globalité
est-il trop violent en fait ?
Trop violent, encore une fois c'est une
question politique, sociale également. Il est ce que les acteurs économiques
font, vendent. Il sont aussi basés sur tout un historique, des thématiques
culturelles du jeu vidéo qui viennent du complexe militaro-industriel, qui
viennent des sources économiques notamment aux États-Unis qui font que un des
modèles de construction, est la masculinité militarisé et donc qui proposent
des jeux vidéo dans ces repères culturels, viennent que ça soit du western, que
ça soit du film de guerre, que ça soit des films de gangster, que ça soit des
films policiers, c'est dans la même veine. En cela le jeu vidéo est assez
représentatif des industries culturelles de masse en général. Donc si on dit du
jeu vidéo dans sa globalité être violent, c'est aussi vrai pour le cinéma,
c'est aussi vrai pour la télévision, euh voilà ça s'inscrit la-dedans.
Est-ce que, le jeu vidéo et les jeux vidéo
violents, notamment les +18 évidemment, peuvent avoir un impact fort sur le
joueur ?
Non, pas un impact fort. En fait ce qu'on
sait c'est que la réception d'une œuvre est liée... elle dépend des individus
avant tout. C'est a dire que deux personnes qui voient le même objet culturel,
les mêmes images, ne réagiront pas de la même manière. La personne réagira en
fonction de son histoire, de son environnement... ce genre de choses. On sait
qu'il y a d'autres choses qui ont des impacts très fort sur un individu qui
sont tout simplement son histoire, ce qu'il a vécu, ce qu'il a subi, comment a
agit son père, c'est à dire les gens auxquels il s'identifie dans la réalité et
qui sont beaucoup plus important qu'une image qui n'est de toute façon reçue et
interprétée qu'en fonction de son histoire et de son environnement.
Qu'est-ce qui a le plus d'impact chez la
personne ? Le cinéma, la littérature ou le jeu vidéo dans son
interaction ?
Ça dépend encore une fois, on a pas
d'études précises la dessus. La télévision a certainement un impact énorme
parce qu'elle est partagée par le plus grand nombre, parce qu'elle est ce qui
dans sa position est admis comme une norme ou un standard, comme si c'était la
voix du peuple ou la voix de la société qui parlait à travers la télévision.
Bien plus que, de ce côté la, que le jeu vidéo ou que la littérature qui est
quelque-chose d'assez intime et beaucoup moins partageable au final que la
télévision. La télévision, tout le monde en parle, tout le monde est au courant
alors que le jeu vidéo, jouer à un jeu vidéo ou lire c'est nos amis. C'est les
gens avec qui on partagent des livres ou avec qui on peut partager les jeux
vidéo. Donc c'est plus petit au niveau de la force que ça peut avoir.
Est-ce que selon vous, les jeux vidéo et
leurs gameplay, +18, est-ce qu'ils vont trop loin des fois dans le gore, dans
le visuel, dans le scénario et leur implication psychologique, que ça va pas
trop loin ? Est-ce qu'il peut y avoir une limite, ou non au contraire, il
ne faut pas du tout brider la chose et laisser libre cours à la création des
développeurs même si le but du jeu est peut-être de torturer une
personne ? Est-ce qu'on peut aller jusque là, est-ce qu'il faudrait des
limites et est-ce qu'il y a vraiment une implication et une interaction avec le
jeu vidéo ?
Ah... C'est une question morale ça. Je ne
veux pas me poser moi en tant que entrepreneur de morale. Si on va de ce côté,
ça dépend du statut du jeu vidéo aussi et si on le comprend comme une œuvre
esthétique. Dans ce cas on voit bien qu'il y a des films, que ça soit des films
d'horreur comme Hostel, des films comme ceux de Gaspard Noé qui vont très loin
dans l'esthétique de la violence et qui sont critiqués sur des critères
esthétiques mais pas des critères moraux. La question du jeu vidéo elle est
effectivement ambiguë puisque historiquement, dans les représentations ce sont
des jeux pour enfants ou pour adolescents et pas conçus comme des jeux pour
adultes. Hors on sait que la plupart des jeux sont achetés et consommés par des
adultes. De ce point de vue la c'est au joueur de décider s'il l'achète, s'il
l'achète pas, s'il en fait la publicité ou s'il en fait pas la publicité. Je ne
pense pas, qu'à priori en tout cas, on devrait mettre de normes morales la dessus.
Je suis pas sûr que Manhunt ou ce type de jeu ait eu du succès par leur
gameplay ou par leur intérêt. Par contre le risque est qu'ils aient du succès
parce-qu'ils sont montés en épingle par des faits divers, par les médias et on
voit bien que c'est la stratégie notamment de Rockstar que dès qu'un jeu est
interdit ou dès qu'un jeu fait parler de lui, alors les adolescents l'achètent
parce-que c'est du transgressif, parce-que c'est interdit et parce-que c'est un
moyen pour eux de devenir des grands. C'est le principe des adolescents, faire
les grands et dans ce cas la, si on ne parlait pas autant de ces jeux la, ils
ne se vendraient peut-être pas autant au final ou ils seraient jugés sur
seulement leurs critères ludiques, et c'est ça qui me paraît important.