A l'occasion de la dernière Japan Expo, nous avons pu rencontrer l'un des invités d'honneur de l'événement : Kazutaka Kodaka, qui n'est autre que le créateur de Danganronpa, série désormais culte au Japon et qui gagnerait à être mieux connue chez nous. Alors que le troisième opus est désormais disponible dans nos vertes contrées, nous vous proposons enfin notre interview du maître à penser de cette série déjantée !
Interview de Kazutaka Kodaka, le créateur de Danganronpa
Gameblog : Bonjour ! Pour nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas, quel est votre rôle sur la série Danganronpa ?
Kazutaka Kodaka : Je suis le créateur de la série, mais également son scénariste principal. Je donne aussi mon avis sur le design, et je garde toujours un oeil sur l'animation, la réalisation et tout les petits détails du travail des autres scénaristes. Donc j'ai accès à un peu tous les postes de décisions !
Donc vous n'écrivez pas seul vos scénarios ?
Pour l'histoire principale, je fait absolument tout, tout seul. Toutes les histoires principales de tous les jeux. Mais par exemple dans le 3, il y a un jeu dans le jeu : une fois que l'on a terminé, il y a un RPG qui débute, à peu près aussi long que le jeu principal, et là, je confie la tâche à mes co-équipiers.
Le 3 comprendra donc le même genre de mini-jeu de fin que celui dans lequel on collectait des ressources dans les deux premiers ?
Oui, tout à fait, et c'est le genre de choses que je délègue, mais sur lesquelles je garde un oeil.
En tant que créateur de la série, participez-vous aux démarches artistiques avec, par exemple, du dessin ?
Alors moi, ce qui m'intéresse surtout, c'est de créer un jeu original. Et dans ce contexte là, au niveau purement créatif, je ne m'occupe que du scénario, car je suis incapable de dessiner la moindre chose (rires) !
Mais, j'ai une confiance totale en mes collègues qui s'occupent de tout l'aspect visuel, et principalement celui qui s'occupe du design des personnages, je suis en vraie symbiose avec lui, il arrive parfaitement à exprimer ma vision des choses, et ce simplement avec des directives orales.
Donc l'idée du design de Monokuma, c'est vous qui l'avez eue, et quelqu'un l'a dessiné uniquement à partir de vos instructions ?
Tous les personnages sont créés avec le reste du staff, en discutant énormément, avec beaucoup de réunions avant de parvenir au résultat final. Concernant Monokuma, il à été crée lors d'une de ces réunions, mais il est apparu en cinq minutes en fait ! On à réussi à le créer entièrement en cinq minutes ! (rires)
Et comment vous est venue cette idée ?
En fait on voulait créer un personnage qui exprime les deux thèmes du jeu à la fois, l'espoir et le désespoir, donc on voulait qu'il ait une double personnalité. En Japonnais, "Shirokuro" veut dire "blanc et noir", avec le blanc non-coupable et le noir coupable, on a donc le blanc tout gentil à la Winnie l'ourson, et le noir bien méchant à la Venom de Spider-Man. Et cette double facette est donc née très vite !
Je veux sortir un Danganronpa sur Famicom ou Dreamcast !
Le troisième jeu s'apprête à sortir en Europe. Y en aura-t-il d'autres dans la série après celui-là ?
Alors que ce soit pour le premier, le second ou même ce troisième jeu, je donne tout ce que j'ai, donc une fois que c'est terminé, à chaque fois, je me dis "c'était le dernier" ! (rires) Mais je me suis donc dit ça deux fois, et j'ai quand même fait deux suites ! Donc là, tout de suite, il n'y a plus d'idée, et aucun projet en cours.
Même pas un autre spin-off, avec une autre jouabilité que le TPS d'Another Episode ?
Du point de vue de mon caractère, je n'ai de cesse de vouloir prendre à contre-pied les attentes que l'on peut avoir de moi. C'est ce qui s'est passé avec Ultra Despair Girls, quand les deux premiers sont sortis, tout le monde attendait une suite à peu près équivalente, et c'est là que je me suis dit, "eh bien non, finalement, on va faire un jeu d'action !", le genre de choses auquel personne ne s'attendait. Donc si on me demande de sortir un quatrième, je pense que ça me donnera envie de faire totalement autre chose ! (rires) En vérité, la seule chose qui pourrait vraiment me motiver à faire un nouveau Danganronpa aujourd'hui, ce serait de le faire sur une console morte, comme la Famicom ou la Dreamcast ! (rires)
Et pourquoi pas un jeu de rythme ?
Alors il y a un mini jeu de rythme dans le 3, mais apparemment, au Japon, tout le monde le déteste (rires) ! Ce n'est pas le mini-jeu qui à reçu le meilleur accueil...
Vous venez donc de sortir le troisième épisode. N'avez-vous pas peur de tomber dans une certaine répétition dans les thèmes ou les situations abordées, ou même tout simplement dans la résolution des crimes ?
Concernant ce troisième épisode, c'est exactement l'inverse qui se passe. J'ai voulu absolument éviter ce genre de problèmes, et comme je vous le disais un peu plus tôt, avec mon esprit de contraction, je pense y être arrivé. Le jeu est sorti depuis le mois de janvier au Japon, et je n'ai encore croisé personne qui m'ait dit qu'il trouvait que le jeu était comme les deux premiers. Et puisque j'ai tout fait pour ne pas tomber dans la répétition, tout a été fait pour déstabiliser le joueur, et pas forcément dans le bon sens. C'est à dire que ça prend tellement les joueurs à revers qu'il ne pouvaient pas s'attendre à ça, au jeu auquel ils jouent. Les joueurs ont plutôt tendance a redemander des versions améliorées de leurs jeux favoris. Ils ont aimé les deux premiers et veulent retrouver leurs pantoufles avec le troisième. Et ça les déstabilise de retrouver quelque chose auquel ils ne s'attendent pas. Mais c'est là que je trouve mon plaisir, et ça ne risque pas de s'arranger ! (rires)
Pendant le processus de réalisation du jeu, comment savez-vous à l'avance que vous allez réussir à surprendre les joueurs ?
Alors je ne dis pas ça pour me vanter, mais je pense être capable de voir mon propre jeu d'un angle totalement objectif. Donc je crée, puis je regarde, et j'arrive à me mettre à la place des futurs joueurs, ce qui me permet de prendre un regard plus lointain sur ma propre création. Et j'ai la chance de travailler avec une équipe non seulement compétente, mais également fan de son propre boulot. Et tout le monde a été unanime sur le fait que ce qui avait été fait était plus que bon, et j'ai une énorme confiance en eux, donc ça été facile d'être confiant à ce sujet.
Avec vos talents de scénariste, si jamais vous étiez pris dans le même genre de jeu meurtrier que dans Danganronpa, arriveriez-vous à vous en sortir ?
La réponse est "non" ! (rires). Je n'ai absolument pas confiance en moi pour pouvoir me sortir d'une situation pareille. Vous connaissez le jeu du loup-garou de Thiercelieux ?
Oui !
Eh bien sur Niconico Douga (NDLR : L'équivalent japonnais de Youtube), il y a une émission sur laquelle on joue au loup-garou en direct, et on m'appelle souvent de par mon statut de scénariste spécialisé dans les crimes. Et à chaque fois que j'y vais, je me plante lamentablement car je ne sais pas mentir, et je me fais tuer directement ! (rires)
J'aimerais pouvoir travailler avec Kotaro Uchikochi !
Danganrompa est présent dans beaucoup de médias : jeux, animés, mangas, light novels... Y a-t-il un autre support que vous aimeriez coloniser ?
Il y a aussi des pièces de théâtre ! Et un des projets qui pourrait m'intéresser serait de faire jouer ces pièces par des étranger, pour qu'elles puissent sortir du Japon.
Toujours dans cette optique de trans-média, aimeriez-vous que quelqu'un qui découvre votre univers commence par le jeu ou autre chose ?
Il n'y a pas vraiment d'entrée officielle. Si quelqu'un n'aime pas trop les jeux vidéo, j'aurais tendance à lui conseiller l'animé. Et si quelqu'un aime les jeux, je lui conseillerais de commencer par le troisième et dernier épisode. N'importe qui peut commencer sur l'entrée qui lui correspond le plus pour découvrir l'univers, puis ensuite s'intéresser aux autres médias.
Était-ce un choix de sortir d'abord les jeux sur PSP, puis sur PS Vita ?
À l'époque, le jeu est sorti uniquement sur PSP pour des raisons de budget. Et maintenant que la série est plus connue, cela nous permet d'étendre son aura à plus de supports différents, et notamment sur PS4.
Ce n'était donc pas un choix voulu mais "subi"... Pourtant pas mal de joueurs aiment jouer à vos jeux sur leurs portables. Conseilleriez-vous plutôt la version PS Vita ou PS4 de D3 ?
En fait, ce à quoi j'attache le plus d'importance, c'est que j'aimerais vraiment que les gens jouent plus sur consoles. Je ne fais pas de différences entre la PS Vita et la PS4, mais le PC n'est pas vraiment adapté selon moi.
Est ce que vous jouez vous-même aux jeux vidéo ?
Je suis un gros joueur !
Et quels sont vos jeux favoris ?
Dans ma jeunesse, je bossais dans une boutique de jeux vidéo, et j'en ai profité. J'ai aussi une grosse collection de jeux rétro. Récemment, j'ai joué à des titres comme Final Fantasy XV ou encore Persona 5, que j'ai vraiment adorés !
Et est ce que vous jouez à des visuals novels ?
Oui ! La série Zero Escape notamment. C'est un ami à moi qui écrit les scénarios...
Vous êtes amis avec Kotaro Uchikochi !?
Oui, et j'aimerais bien un jour pouvoir travailler avec lui sur un projet !
Mais ce serait merveilleux ! (rires)
Oui (rires) !
Parmi tous les jeux auxquels vous jouez, y en a-t-il qui vous influencent au niveau de l'écriture ou du game-design ?
Oui, notamment tout ce qui est du côté des jeux rétro, comme vous avez pu le constater dans la série Danganronpa, avec des visuels tout droit sortis de l'époque 8-Bits. Donc oui je subis une influence certaine, que je retranscris plus tard dans mes jeux.
Merci pour cet entretien, arigato gozaimasu !
Merci à vous !