Depuis quelques années, le mot "geek" est devenu un fourre-tout prétexte à de nombreux stéréotypes parmi lesquels le sempiternel homme des cavernes au cheveu gras règne en maître. Afin que le geek ne soit plus réduit à un terme tendance à la recherche de sa véritable identité, j'irai à la rencontre tout au long de cette saison de "geeks" de toutes confessions, afin d'établir au fil des interviews, un portrait (flatteur) du et de la geek moderne.
Chaque semaine, retrouvez une chronique
réalisée par Salomé,
Bloggeuse et joueuse invétérée.
David, le journaliste éclectique
D'habitude, c'est lui qui est de l'autre côté de l'interview. David est un journaliste dynamique, passionné de sous-culture qui a une vision bien à lui des enjeux et de la définition du terme "geek"...
David, déclinez identité.
Je m appelle David, j'ai 34 ans, je suis actuellement journaliste pour Geek le mag, après avoir travaillé pour DVDrama en tant que spécialiste séries. Et vous avez sans doute déjà pu me voir dans l'intro du documentaire Suck My Geek dans lequel on ouvre la porte de chez moi pour découvrir ma collection de figurines.
Pourquoi travailler dans un milieu en rapport avec la culture geek, au lieu de garder ce domaine comme simple passion ou loisir ?
A vrai dire, je suis tombé dedans très tôt, les premiers films qui m'ont marqué faisaient partie des références de la culture geek (TRON, Dune ou encore Terminator). Un des premiers déclencheurs a aussi été Les Maitres du Temps de Moebius et René Laloux. Ils m'ont vraiment poussé vers la bande dessinée. Ce sont des gens qui racontent des histoires et qui m'ont donné envie d'en raconter. J'ai donc appris a dessiner et j'ai rencontré BENGAL au lycée, avec qui je dessinais dans les marges de chaque cours. Le dessin fait partie de mon côté geek. J'essaie d'ailleurs de monter un projet de mon côté, quant à lui... il monte son 9ème album !
Je trouve ça génial de conjuguer passion et travail. Le meilleur des boulots est toujours celui où tu n'as pas l'impression de travailler... un état d'esprit qui peut d'ailleurs définir une bonne partie des geeks !
Alors justement, pour toi qu'est-ce qu'un "geek" ?
Déjà, le terme "geek" ne veut plus dire ce qu'il voulait dire a l'origine. À la base, il s'agit d'un terme créé pour regrouper en une même catégorie des gens qui se passionnent pour des domaines "compliqués", que l'on ne comprend pas et qui ne rapportent pas d'argent. Dans les années 80, on qualifiait de "geek" les passionnés de cinéma, mais dès que ça a commencé à rapporter de l'argent, ceux-ci se sont soudain vu qualifiés non plus de geeks, mais de "spécialistes". James Cameron est par exemple loin d'être considéré comme un geek, bien qu'ayant fait Avatar, un film de geek, et rapporté beaucoup d'argent.
Autre exemple concernant l'évolution de la perception du geek : l''adaptation ciné du livre Simulacron 3 par Fassbinder (Le monde sur le fil) représente clairement l'ancêtre de tous les voyages virtuels à la Matrix. Mais ce film de 3h30 anti-geek n'a rien à voir ce que l'on connaît de nos jours, puisqu'il montre un héros "golden boy" sapé comme James Bond qui ne touche pas un PC du film. À l'époque (1973), les informaticiens étaient une espèce neuve, belle et pleine de promesses, loin des clichés d'étudiants obsédés Américains, ou d'ours asociaux.
En fait, la seule chose qui est restée, c'est qu'un geek est un passionné qui se plonge a corps perdu dans ce qu' il aime, en l'étudiant en long, en large et en travers.
Si la notion de geek a rapport avec l'argent généré, alors les joueurs devraient eux aussi se voir qualifiés de "spécialistes". Pourquoi, alors que le jeu vidéo génère plus d'argent que le cinéma, celui-ci n'a pas acquis ses lettres de noblesse ?
Même aujourd'hui, bien que le jeu vidéo rapporte de l'argent, le domaine n'a pas encore atteint une vraie respectabilité.
Ensuite, c'est sans doute parce que les médias ont toujours besoin de têtes de turc, et dans un sens le "geek" cristallise plein de choses et reste un terme efficace pour les médias. Il y a dix ans c'était les goths...
Et puis quand tu regardes le ciné, c'est devenu mainstream car tu peux te poser devant une télé sans avoir besoin d'une culture particulière, alors que pour le jeu vidéo, en parler sur des forums ou autres demande un certain niveau de connaissances.
Est-ce que tu te définirais comme un geek ?
Oui et non, ça dépend de la définition ! J'adore le cinéma, les jeux vidéo, les séries TV, et des fois j'ai simplement envie d'être plus actif qu'avachi dans mon canapé en ayant envie d'agir... c'est pour ça que j'aime les jeux avec une trame narrative forte et me permettant de vivre le scénario à mon propre rythme... Même si j'attends toujours un jeu ou tu pourras vraiment choisir le déroulement scénaristique, un jeu qui te permettra d'aller à contre courant si tu le veux.
Alors, quelle est ta définition du geek ?
Il y a deux choses qui le définissent : tout d'abord c'est un passionné qui va chercher, creuser de fond en comble. S'il aime un jeu comme Silent Hill, il va se passionner pour l'univers, les références, la musique, parler sur forums pour défendre sa vision, etc. C'est également quelqu'un qui adore partager sa passion avec les autres. Et puis grâce à la mode, les clichés du geek ont clairement commencé à partir en éclats, car l'image du geek trendy prend de l'importance.
Comment vis-tu le fait d'être dans la catégorie "geek" ? Comment est-ce perçu dans ton milieu social, professionnel ?
Les professionnels de la culture geek sont de plus en plus perçus comme des spécialistes et non plus comme des geeks obscurs qui restent dans leur chambre, fidèles à l'image des otaku dans les années 90. C'est devenu quelque chose de très commercial, donc comme ça commence à plonger dans le mainstream, il y a de moins en moins de condescendance (c'est comme ca que je l'ai vécu dans le milieu du journalisme). Je n'ai jamais ressenti d'animosité, mais je suis très certainement bien tombé...
Alors, parle nous de ton jeu préféré !
Je l'ai apporté en 3 versions parce que je suis un geek (rires) : il s'agit de Strider sur Mega Drive, PlayStation et PC Engine. Et je l'ai en Arcade chez moi.
Pour revenir sur trame narrative, ce qui me plaît dans ce jeu c'est le dépaysement. Car chaque stage est un monde entier, il y a également de petits inser entre les stages, avec des personnages qui te parlent avec des semblants de conversation comme "t'arriveras pas à faire ça...". Ça te plonge dans une vraie expérience narrative. Le jeu commence en Russie, puis passe en Sibérie, puis dans la jungle amazonienne... ce sont 5 stages très différents les uns des autres et qui se calquent sur l'articulation narrative que l'on pourrait avoir dans un bouquin ou film. Et en plus de ça, le héros est super charismatique.
Alors face à ces pépites rétrogaming, une question : est-ce que les jeux vidéo c'était mieux avant?
Non, c'était différent. Je m'éclate autant aujourd'hui sur Silent Hill qu'a l'époque sur un Commando. MGS est une expérience narrative super forte, tout comme Enslaved. Avec NIER, qui est la véritable antithèse de FFXIII, tu es face à un scénar' profond, tu te bats contre des monstres, et quand tu refais le jeu tu découvres l'histoire des monstres (pourquoi ils t'attaquent, etc.), ce qui t'apporte une expérience inédite. Et bien sûr quand tu parles d'histoire et d'expérience de jeu, tu ne peux pas passer à côté d'ICO, Shadow of the Colossus. Tu vis quelque chose, tu te contentes pas de "bourriner" comme dans un beat 'em all ou de jouer tranquillement comme dans un party game à la Mario.
Un slogan ?
Vivez votre passion à fond.
Le geek tire sa richesse de sa diversité. Il nous prouve qu'il demeure encore l'irréductible gaulois... À l'heure où j'écris ces mots, je suis dans le métro, en face d'un charmant jeune homme en costume et cravate Hermès, plongé dans la lecture de la critique de Castlevania Lords of Shadow faite par un quotidien gratuit. Le but n'est ni de stigmatiser ni de rendre un groupe social élitiste. Non, l'unique but est de s'amuser, et de tous se retrouver après une journée bien chargée à partager sa passion et enrichir ses connaissances virtuelles. En ces temps durs de mouvements sociaux, je propose un ultime soulèvement, afin d'enfin obtenir pour chaque lieu de travail, un minimum d'une borne d'Arcade par salle de repos...
...Travailler jusqu'à 70 ans ne me poserait alors plus aucun problème.
Salomé Lagresle
Bloggeuse jeux vidéo et gameuse irréversible, Salomé, jeune fille sage de 22 ans, reste néanmoins la femme d'un seul homme : Snake. Collectionnant les jeux Ken le survivant et les pistolets en plastique, cette étudiante en communication expose, parfois même en chanson, ses humeurs et aventures quotidiennes sur son site coloré : Junkflood.